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Le Ku Klux Klan : mouvement terroriste |
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3. Le Klan moderne | ||
On attribue deux causes à la renaissance du Klan vers la fin des années soixante-dix; d'une part, la naissance d'un Klan moderne néo-nazi aux États-unis quelque temps auparavant ainsi qu'à l'émergence de plusieurs groupes fascistes de tout acabit à Toronto au cours de cette même période. Il est d'abord à noter que le Klan n'a jamais réellement disparu du paysage social américain. Bien que très faible, il a gardé un certain souffle de vie au fil des ans. Les années cinquante et soixante particulièrement florissantes pour le Klan (droits civiques accordés aux noirs et nombreuses émeutes raciales) n'ont pas eu d'écho au Canada en raison de la très faible population noire. Le seul événement que l'on peut lui attribuer est le suivant. On a rapporté en 1965 à Amherstburg près de Windsor en Ontario qu'une immense croix de dix pieds aurait été enflammée en pleine rue en plus de nombreux appels injurieux et des graffitis haineux barbouillés sur plusieurs façades de bâtiments tels que; «Niggers Beware», «Home of the KKK», etc. Selon les autorités policières, il ne s'agissait que d'une plaisanterie. Cependant comme le rapporte Sher; «what joker and what teenager is going to take the trouble to build a ten-foot cross and bind it carefully with gasoline-soaked rags and set fire to it?» (Sher, 1983: p. 75), spécialement dans une ville reconnue pour avoir été le refuge de nombreux esclaves américains en cavale. De plus, des rumeurs circulaient à l'effet qu'un chapitre canadien se serait joint à l'United Klan of America. Cependant, malgré ces événements sporadiques, on ne reverra pas le Klan avant 1972. Cette année-là, Ivan Macpherson fonde une cellule klanique en Alberta à laquelle se joignent cinq personnes. Le bouche-à-oreille faisant son ouvre, la cellule triple le nombre de ses membres en quelques semaines. S'ensuivra un appui officiel et public du Klan au conservateur provincial puisque ces deux groupes prônent les mêmes valeurs soit; le protestantisme, l'esprit «British», la guerre à la drogue, à l'avortement et au communisme. Le Klan sera de courte durée puisque l'on n'en entendra plus parler avant 1974, où une étrange fusillade chez Macpherson le conduira directement en prison pour négligence criminelle, après quoi il disparaîtra définitivement. Bien que ce Klan albertain ait été de courte durée, il servira de racine à une tentative qui s'avérera moins innocente. Au cours des années soixante et soixante-dix, la ville de Toronto est l'hôte de nombreux groupes extrémistes portant certes différents noms, mais aux idéologies similaires. Qu'il s'agisse du Canadian Nazi Party de John Beattie (supporté par les groupes fascistes européens), du Canadian National Socialist Party , de l'Edmund Burke Society du duo Andrews-Fromm (cellule d'«intellectuels», assistée d'une aile armée), du Nationalist Party ou des Western Guards , autant de groupes violents. Mentionnons surtout ces derniers qui comptent plusieurs attaques contre des noirs dans des studios de télévisions et de radio barbouillant les lieux de swastika et adoptant le salut fasciste. Les Guards , fort d'une centaine de membres, ont eu un impact incroyable sur la visibilité de l'extrême droite au pays en raison de cette action d'éclat. Ils inspireront le Klan à deux niveaux; idéologiquement, les Guards adoptent toutes les valeurs nazies teintées de suprématie de la race blanche et organisationnellement parlant, leur structure bien définie servira de «breeding ground for fascist movement» (Sher, 1983: p. 75) et d'école du crime. D'ailleurs, le quart des effectifs du Klan proviendra directement d'anciens Guards , parmi eux; Don Andrews, John Taylor, Wolfgang Droege, Jacob Prins, Martin Weiche, Armand Siksna et surtout le jeune James Alexander McQuirter. Le
Klan de Toronto verra officiellement le jour en 1972 (le Toronto Sun
affirme que «The KKK is in Canada»), cependant
la mauvaise organisation règne et les quelques intéressés
sont répartis en plusieurs Klans différents et indépendants.
C'est cependant cinq ans plus tard que cette organisation, forte des
anciens Guards demande à David Duke, alors Grand Dragon
du Klan de Louisiane, de venir à Toronto afin de promouvoir
le Klan canadien (c'est d'ailleurs Duke qui émettra l'affiliation
officielle du Canadian Knights of the Ku Klux Klan). Grand
orateur, articulé, l'apparence très soignée et
très prêt des médias, la tournée de Duke
aura un effet incroyable qui fera monter le nombre d'adhérents
en l'espace de quelques semaines. Voyant que les membres du CKKKK (Canadian
Knights of the Ku Klux Klan) sont vieillissants, c'est surtout
autour de McQuirter et de Droege (tous deux âgés de vingt
ans) que le mouvement est remis en selle. L'objectif à court
terme est de créer «a solidified, cohesive group from
what had been a loosely grouped band of individual members» (Sher,
1983: p. 85). C'est en janvier 1978 que le Klan renaît organisationnellement
et McQuirter qui est proclamé nouveau directeur national, ou
Grand Sorcier. Se basant sur la technique éprouvée de
Duke, McQuirter fera le tour des écoles afin de promouvoir subtilement
le Klan sous le couvert de la présentation historique de la
guerre civile américaine. Lorsque la presse aura vent de cette
méthode, elle mettra en branle une grosse campagne faisant ainsi
de la publicité à l'organisation raciste. Après
avoir été accusé de distribution de littérature
haineuse, McQuirter et Droege partiront à Vancouver en 1979
où ils créeront un chapitre du Klan affilié à celui
de Toronto. Droege, désigné comme directeur du Klan de
cette province, y restera quelques années. Afin d'accélérer
les inscriptions, Droege fera encore une fois appel à Duke.
Le Klan naissant subventionnera cette tournée pendant laquelle
Duke fera une quinzaine d'apparitions à la télévision
et à la radio. Dans les discours de Duke (qui dépeint
toujours le Klan comme une organisation non-violente) le principal
cheval de bataille du Klan portera sur l'immigration (limitation de
l'immigration non-blanche et déportation des noirs dans leur
pays d'origine). En gros, le but ultime du Klan est grosso modo de
faire pression sur les instances officielles à titre de lobby
puissant. À cause de quelques excès et de son passé troublant
aux États-Unis, Duke sera interdit de séjour au Canada à partir
de l'année suivante, C'est en 1980 que le CKKKK fait son apparition dans l'annuaire torontois et imprima son propre journal; le Ku Klux Klan Canada Action Report . Avant cette date, les canadiens désireux de se joindre au Klan devaient appeler en Louisiane, si bien que le CKKKK ouvrit son propre bureau à Toronto et acquit un numéro de téléphone à titre d'organisme indépendant. Cette ville semblait la plus appropriée comme lieu de travail des organisateurs. On y retrouvait plusieurs groupes fascistes et près du quart de l'ensemble des immigrants canadiens (on y compte d'ailleurs plus de cent cinquante mille noirs). Avec son allure soignée de jeune premier et son charisme, McQuirter deviendra l'unique « spokeman » du Klan. Suivant les conseils de Duke, il interdira toutes déclarations aux autres membres du Klan afin de pouvoir faire une «campagne médiatique» bien contrôlée, efficace et sans remous. McQuirter apprendra beaucoup de Duke et en fera l'une de ses forces. À ce sujet, McQuirter dira que sans l'appui involontaire des médias, rien n'aurait pu se faire; «the news media really blew it up and did all our work for us» (Sher, 1983: p. 91). Hubert et Claudé renchérissent en disant que «James Alexander McQuirter, leader des Canadians Knights of the Ku Klux Klan avait obtenu un grand succès médiatique à cause de ses qualités personnelles et de ses talents de communicateur» (Claudé et Hubert, 1991: p. 88). Le plus grand enseignement qu'il recevra sera de trouver un moyen d'avoir les médias de son bord et d'être un peu plus politiquement correct afin de se rallier une nouvelle clientèle (les xénophobes par exemple). Ainsi, plutôt que d'être anti-noir, le nouveau Klan s'affichait pro-blanc! Cela donne une connotation plus positive et moins choquante. Face à tous les efforts de Duke, Sher soulève que «despite the undeniable inspirational, political and organizational influence of the American KKK, the reborn Canadian Klan was distinctly Canadian» (Sher, 1983: p. 93). À l'opposé du Klan des Prairies des années vingt et trente, les chefs et membres de ce Klan étaient dorénavantcanadiens. Bien que le CKKKK soit toujours demeuré très discret sur sa structure, cette version ne différait pas tellement des précédentes. Ainsi, le Grand Sorcier (McQuirter) dominait les Grands Dragons, chacun responsable d'un province (un realm ). Ces derniers dirigeaient les Géants (responsables d'une région). Le nom de «région» était attribué lorsque l'on retrouvait plusieurs chapitres ( dens ) sur un même territoire. Finalement, les chefs de la base étaient les Den Commanders qui commandaient des cellules de six à trente membres. De plus, des Youth Groups , regroupant des jeunes de quatorze à dix-sept ans, avaient été mis sur pied à l'écart de la hiérarchie habituelle. Comme on le verra bientôt, le CKKKK aura son heure de gloire au tout début des années quatre-vingt. Comment expliquer cet engouement pour ce genre de discours? Notons d'abord qu'au Canada, les années quatre-vingt étaient synonymes de récession et de chômage, il a souvent été démontré que ce malaise social a tendance à pousser les gens au repli et à la haine. Il n'est donc pas surprenant qu'un plus grand nombre de gens aient été séduits par le Klan. Ce malaise a affecté à toutes les sphères de la société; les policiers étaient moins enclins à traiter les crimes commis contre des minorités visibles et même les gouvernements ont limité le flux migratoire à partir de la fin des années soixante-dix. Le procès d'un « négationniste » comme Zundel et la publicité que cela a entraîné pour son livre en fait preuve (Sher, 1983: p. 96). Ceci fait dire à Sher que «for various reasons, then, the KKK found the canadian terrain in 1980 to be fertile for its seeds of hate. It would not be difficult for the organization to sprout across the country» (Sher, 1983: p. 100). De Toronto, McQuirter parcoura le pays, mais aussi l'Ontario (Walkerton, Kitchener, Windsor) afin de mettre sur pied de nouvelles cellules notamment dans les Prairies, dans les Maritimes et à Vancouver pour solidifier le Klan déjà existant. En fait, le Klan était actif «where there's unemployment and fear because of people from different cultures» (Sher, 1983: p. 145). Contrairement aux autres groupes de droite de l'époque mentionnés précédemment, le Klan de McQuirter ira dans les campagnes où il obtiendra du succès. Multipliant les déclarations chocs (mais oh combien préparées!), McQuirter aura l'habileté d'attirer les projecteurs médiatiques sur son organisation. Mentionnons celle où il proposera que seules les personnes ayant un certain quotient intellectuel bénéficient des droits canadiens ou lorsqu'il demandera au gouvernement de verser trente mille dollars à chaque famille qui quittera pour de bon le Canada. Avec de telles déclarations, il n'est pas surprenant que cela suscite de l'opposition. Bien que le Klan dut faire face à l'opposition de plusieurs politiciens (essentiellement issus du Nouveau Parti Démocrate), aucune sanction n'a été prise à son endroit et malgré les pressions, les gouvernements étaient timides à agir (véritable retour à la situation des années vingt!). Comme dans ses précédentes versions, le Klan essaie toujours de s'adapter à l'ère du temps en s'accaparant le sujet de l'heure. Le Klan de McQuirter ne fait pas exception à la règle. On assiste donc à deux nouveautés; la première touche le recrutement des adeptes. Le CKKKK, à l'instar de son homologue américain, est de moins en moins scrupuleux à l'idée de recruter des adolescents. À cet effet, l'école et les centres de jeu vidéo sont de nouveaux terrains de recrutement. Face à cela, les détracteurs du Klan diront que cette volte-face est due à la faible popularité du Klan chez les adultes. La seconde nouveauté touche la question de la violence. Le nouveau Klan sera beaucoup plus violent que son prédécesseur des Prairies. Que la violence vienne du Klan lui-même ou de ses opposants, les années quatre-vingt seront marquées de nombreux actes de violence. On observe ainsi des groupes de pression anti-Klan prendre les armes et combattre le feu par le feu. Sher dira à ce sujet que «by its own presence, the Klan has sown the seed of its own destruction» (Sher, 1983: p. 145). D'ailleurs, à ce sujet, le site web de l'Équipe de Recherche sur le terrorisme et l'Anti-terrorisme (ERTA) recense plusieurs actions dites «terroristes» reliées au Ku Klux Klan entre 1979 et 1988. En voici les plus marquantes; en octobre 1979 à Toronto , un homme et une femme de race blanche, tous les deux membres du CKKKK, attaquent un noir avec du poivre de cayenne au visage en l'insultant ainsi que sa compagne blanche. En juillet 1980 à Winnipeg, un groupe de jeunes blancs arborant des chandails du Klan attaquent quatre jeunes noirs. À Vancouver en septembre 1981, un homme d'origine indienne est tué par un clou de trois pouces alors qu'il attendait l'autobus. Le message «with the compliment of the KKK» est enroulé autour du clou. Trois anciens membres du Klan plaident coupables à une conspiration de meurtre d'un ancien membre du Klan en février 1983 à Toronto. Voilà un bref aperçu des violences que le Klan a engendrées. Bien évidemment, cela ne tient pas compte des graffitis, des actes de vandalisme et autres délits n'ayant pas été rapportés à la police (le fameux «chiffre noir» de la criminalité). Le
développement des médias (journaux, TV) écrit
et télévisé donne une diffusion plus importante à ce
genre d'organisation si l'on compare la situation aux années
vingt. Donc, vers la fin de 1980, tous les canadiens avaient entendu
parler du Klan et McQuirter adorait ça! Constatant en que les
médias étaient fascinés par lui, McQuirter organisa à London
(Ontario) le premier grand rassemblement du Klan. En ce qui a trait maintenant au profil des membres, Sher les divise en trois catégories. Les loosers en représentent la majorité. Ceux-ci essaient de rejeter sur les autres leur propre défaite. La seconde catégorie concerne les longtime nazis, ceux qui ont toujours adhéré aux valeurs aryennes. La dernière catégorie, celle à laquelle appartient McQuirter, est celle des membres de la classe moyenne attirés par le racisme du Klan (Sher, 1983: p. 118). Bien que nous jugeons l'approche de Sher trop subjective (ne serait-ce que par l'emploi de certains termes!), il n'en demeure pas moins que cette façon d'identifier les membres nous en apprend beaucoup sur le mouvement en soi. Quoiqu'il en soit, les membres sont essentiellement jeunes (issus du groupe d'âge des18-35 ans) et peuvent compter sur de nombreux supporters secrets. Ceux-ci, qui financent les nombreux voyages de McQuirter partout au pays, peuvent demeurer confidentiels car, n'étant pas une société publique, le CKKKK n'était pas obligé de rendre public ses livres comptables et de membres. La seule chose que l'on sait, c'est que les coûts d'initiation s'élevaient à quinze dollars, montant auquel il fallait ajouter l'inscription annuelle de trente dollars. La deuxième source de revenu du Klan provenait des nombreux réseaux fascistes internationaux, principalement européens. Finalement, les dons anonymes complétaient les revenus. Un aspect qui mérite d'être soulevé concerne l'éthique un peu suspecte des autorités gouvernementales et policières. Il n'est pas nouveau que ce genre de regroupement soit lourdement infiltré par les forces de l'ordre, cependant, ce qui cause problème, ce sont la durée et les actions qu'ont du poser les agents sous couvert. En effet, les archives ont montré qu'un nombre très important de membres du Klan était employé par la GRC à titre d'informateurs. À titre d'analogie, soulevons le cas américain où plus du cinquième des membres l'étaient. Certains, comme Patsy Sims, vont même jusqu'à prétendre que Duke lui-même était un informateur du FBI (Sims, 1996). Ceci dit, un ancien agent de la CIA très proche de la GRC, Lou Richardson, est devenu membre du Klan de McQuirter. Suspicieux, ce dernier l'a mis à la tête de la toute nouvelle KIA (Klan Intelligence Agency) supposée prévenir l'infiltration dans le Klan. Ce poste permettait d'une part à Richardson de mettre à profit ses relations dans le milieu de l'espionnage et ensuite de prouver sa bonne volonté. Alors que le Klan se prétendait ouvertement pacifique, la réalité était toute autre. Il faut dire que le Klan avait mis sur pied un système de sécurité très développé. La White Security Force était divisée en trois entités. La KIA de Richardson, le Klokan ; la police secrète et la Defensive Security Branch (principalement attitrée à la défense physique des leaders du Klan). Bien évidemment, tout ce dispositif était-il réel ou reposait-il sur de pures exagérations? Quoiqu'il en soit, un fait qui doit être pris au sérieux est la volonté du Klan de s'armer pour la «race war». Beaucoup d'attentats et d'attaques eurent lieu notamment dans la région de Vancouver. Ces attaques étaient souvent accompagnées d'un court message ainsi que du numéro de téléphone du Klan, belle publicité gratuite pour McQuirter. Face à cette
violence anticipée, les citoyens se mobilisèrent pour
contrer ce racisme de plus en plus radical et dangereux. Les gouvernements
ne furent pas en reste car on assista à une forte réaction
policière qui mena à des arrestations et à des
amendes imposées aux membres du Klan. Sous le leadership du
BCOFR (la British Columbia organization to fight racism),
diverses associations se sont réunies pour signer des pétitions
en plusieurs langues pour rejoindre un maximum de personnes. Parmi
elles; le RACAR (Riverdale Action Committee against racism),
le Black United Front, le Nouveau Parti Démocratique et plusieurs
autres d'un océan à l'autre. Ceci mena à un rallye
anti-Klan qui mit une pression supplémentaire sur les gouvernements
pour les presser d'agir. Une grande opposition commence également à s'organiser
et prend forme à Toronto où l'on assiste à une
grande marche de cinq cent cinquante personnes dans les rues de la
métropole. «It was ironic. The Ku Klux Klan's avowed
goal was the separation of the races and the incitement of race hatred,
yet its appearance in Canada sparked a vigorous anti-racism movement
extending from Whitehorse to Halifax and uniting diverse national,
ethnic and political forces» (Sher, 1983: p. 145). Ces mouvements
auront un l'effet non-négligeable d'accentuer la pression policière
sur le Klan, mais ce qui coulera le Klan, ce sont ses propres excès.
En 1981, Droege et dix autres mercenaires sont arrêtés
et emprisonnés en Nouvelle-Orléans sous plusieurs chefs
d'accusation dont possession d'armes, usage de drogue et tentative
d'invasion de l'île Dominica dans les Caraïbes. Pour une
organisation prônant la non-violence, cela faisait très
mauvaise presse. Après avoir nié longtemps, McQuirter
finira par avouer plus tard que le Klan était bel et bien derrière
cette action. Fait étonnant, Droege derrière les barreaux,
le chapitre de Toronto connaîtra une accalmie alors que celui
de Vancouver intensifiera ses actions. Il organisera des marches dans
les rues ses membres accoutrés des robes blanches du Klan tout
en accélérant la diffusion de tracts et de littérature
haineuse. Les semaines passent et l'opinion publique a de plus en plus
l'impression qu'à l'exception de la Colombie-Britannique , le
Klan canadien est mort. En fait, il s'agit plus d'une réorganisation
que d'une défaite. Selon les dires des dirigeants eux-mêmes,
le CKKKK avait prévu quatre phases de développement du
Klan. Ce repli constituait la seconde après une brève
apparition publique. Il s'agissait ensuite de sortir de l'ombre et
de prendre le pouvoir politique pour mener à bien sa mission.
La publication d'un nouveau journal, The Spokesman , mettra à jour
ces étapes. À l'été 1982, McQuirter annonce
dans ce même journal qu'il quitte le Klan pour poursuivre le
combat sur la scène politique. Il s'associera avec le Nationalist
Party of Canada (NPC) de Don Andrews Il est intéressant ici d'analyser avec recul la situation. Alors que Sher a écrit son livre en 1983 relatant des faits extrêmement actuels pour lui, nous sommes plus en mesure de jeter un regard objectif. En 1979 et 1980, tout souriait au Klan, il était sur toutes les lèvres, il bénéficiait de publicité gratuite et d'appuis importants. C'est à la suite de l'interdiction de passer à la télévision que les éléments se déchaîneront sur McQuirter et sa bande comme s'il s'agissait de la goutte d'eau qui fait déborder le vase. En effet, bien qu'il affirme que l'affaire Dominica n'ait rien fait au mouvement, tout le monde sait que c'est faux puisque les gouvernements, encore peu enclins à agir, commencent à plier face à l'opinion publique grandissante. Au niveau municipal, l'opinion publique a encore plus d'impact puisque même la ville de Vancouver, où le Klan a le plus d'alliés, retire la licence d'affaires du Klan. Tous se déchaînent et les interdictions s'accumulent. McQuirter avouera l'année suivante que le Klan doit se tenir à carreau pendant les prochains mois s'il veut continuer à exister. Le Grand Dragon de l'Ontario, Jacob Prins affirmera que «you won't hear much from the Klan in the future, everything will be underground» (Sher, 1983: p. 162). Cela sera trop peu trop tard, car McQuirter sera arrêté dans l'affaire Dominica dans laquelle il plaidera coupable. Il sera arrêté de nouveau avec d'autres membres pour tentative de meurtre sur Gary MacFarlane, l'ancien chef de la sécurité du Klan. Malgré les déboires de ses leaders, le Klan demeure en place mais de façon précaire. Il serait normal de se demander pour quelles raisons les gouvernements ont toujours laissé faire le Klan sans l'abattre à l'aide de lois ou d'amendements. Il semble qu'au niveau légal, l'organisation du Klan était blanche comme neige car jamais ses liens avec les violences n'ont été prouvés. En fait, le seul motif pour lequel le Klan aurait pu être reconnu coupable est sous le prétexte de publication de littérature haineuse qui peut entraîner deux ans de prison. Sher explique en long et en large comment le Klan s'est soustrait aux lois dans un chapitre au nom évocateur; «Legal Loopholes»! Il explique qu'il faut souvent beaucoup de pression populaire pour que des lois anti-racisme soient. Appliqués. «Racism, after all, is not a legal problem, but much deeper political, social and economic one» (Sher, 1983: p. 205). C'est donc dire que les lois ne sont d'aucun recours contre ce genre d'organisations, il faut plutôt les combattre d'une façon plus indirecte. Comme Sher le mentionne, «widespread education, mass action and public outcry should be used to silent groups like the Klan» (Sher, 1983: p. 205). C'est donc l'emprisonnement qui poussera à la fin du règne de McQuirter et de Droege sur le Klan canadien des années quatre-vingts. Selon le rapport de décembre 1994 du Solliciteur Général du Canada en rapport avec l'affaire du Heritage Front, une autre organisation raciste digne de mention, le nombre de Klansman s'élevait à deux mille cinq cents en 1980 (Rapport du solliciteur général du 9 décembre 1994). Comme le lecteur a pu s'en rendre compte, peu d'ouvrages ont porté sur le Klan canadien des années quatre-vingts. L'ouvrage de Julian Sher est presque unique. Publié en 1983, ce volume est loin d'être à jour et nécessite une version moderne. Heureusement, un autre livre traitant du sujet, publié en 1991, nous donne une version plus moderne, mais tout de même inactuelle du Ku Klux Klan canadien. De plus, ce livre, écrit par la Ligue des droits et libertés du Québec met essentiellement l'emphase sur le mouvement québécois du Klan, qui n'a d'ailleurs pas du tout été exploré par Sher pour des raisons bien simples. Bien que McQuirter ait affirmé qu'il avait de nombreux soutiens au Québec, principalement à Montréal auprès d'anciens supporters d'Adrien Arcand, il n'a jamais visité le Québec. Bien évidemment, étant protestant de nature, le Klan aurait perdu toute crédibilité à s'installer au Québec, catholique à grande majorité. Donc, dans cette partie, nous baserons sur le livre de la Ligue ainsi que sur un reportage de Radio-Canada présenté à l'émission Le Point en 1992. Avant de se pencher sur le KKK québécois, il est important de souligner que le mouvement d'extrême droite des années soixante-dix et quatre-vingt a radicalement changé par rapport à celui des années quatre-vingt-dix. «Unlike the far right movement in the 1970s and 1980s in which two separate forms of organized racism existed, the contemporary far right is marked by the emergence of the new generation of subtle racism, a movement that strategically manipulates legitimate issues to market racism to a mass audience while maintaining links with violence-prone extremist groups». Au Canada, en 1992, le Ku Klux Klan est organisé, efficace, meurtrier et très actif de Vancouver à Halifax. Il prône la création d'une nation aryenne et use d'une violence calculée pour y parvenir ainsi que d'une haine intense envers les juifs, les noirs et les autochtones. Selon Le Point , il est difficile d'évaluer le nombre de membres du Klan pan-canadien, mais cela varie entre plusieurs centaines et quelques milliers. Au Québec maintenant, nombreux sont ceux qui se sont cachés derrière le fait catholique pour dire que le Klan n'a jamais pénétré la province. Même les responsable de la communauté juive, (réputée être à l'affût), sont de cet avis; «Il n'y a pas ici de culte du Ku Klux Klan et aucune communauté culturelle ne peut se sentir menacée à Montréal» Comme nous le savons maintenant, il y eut au début des années vingt une tentative ratée, mais nous n'en avons pas identifié d'autres. Cependant, le Klan a existé, mais de manière cachée, publiant par exemple sa littérature sous le couvert de l'anonymat. Le Québec et l'Amérique du Nord ont connu, au début des années quatre-vingt-dix un fort mouvement skinhead. Ce mouvement, inspiré par des groupes musicaux tels que Skrewdriver , No Remorse, Sham 69 et tant d'autres, a connu une popularité monstre. L'Anti-Defamation League rapportait, au début des années quatre-vingt-dix que les États-Unis abritaient plus de trois mille skinheads dangereux (Claudé et Hubert, 1991). Ces jeunes, attirés par la vie de party et la mode, revendiquent la suprématie de la race blanche. Très peu politisés, ils ont formé un groupe en marge des groupes racistes et fascistes déjà connus. C'est surtout après 1985 que le mouvement se radicalise. Cependant, les skinheads les plus violents et engagés se sont affiliés à de nombreux groupes racistes. Parmi eux; l'Aryan Resistance Movement, la White Aryan Resistance, l'Aryan Nation, l'American Nazi Party, le Ku Klux Klan, etc. À titre d'exemple, les United Skinheads of Montréal sont directement affiliés au Klan. Ceci n'est pas étonnant puisque comme dans le cas du Klan de McQuirter, les organisations racistes sont de moins en moins réticentes à recruter des adolescents en organisant des spectacles de musique et en faisant des tournées dans les écoles. Hubert et Claudé affirment à ce sujet que les skinheads représentent vingt-cinq pour cent du membership total du Klan québécois. Qu'est-ce qui attire les jeunes? Faire partie d'une organisation raciste avec une histoire auréolée comme celle du KKK! «En ce qui concerne ces derniers [le Ku Klux Klan], malgré la compétition et les divisions qui les caractérisent, se manifeste constamment au niveau du discours un sens prononcé d'appartenance à un vaste mouvement national et international» (Claudé et Hubert, 1991: p. 40). En
général, les organisations de droite au Canada sont de
deux types : les filiales des grandes organisations américaines
et les affiliations purement canadiennes. Le Klan appartient au premier
groupe, bien que le Klan canadien se soit dissocié de son grand
frère américain au cours des années quatre-vingt.
Le Klan américain était à l'époque, en
pleine lutte pour sa survie depuis que le gouvernement américain
avait émis un amendement qui rendait l'organisation responsable
de toutes les actions de ses membres. Les nombreuses poursuites civiles
de plusieurs millions ont mis en péril la solvabilité du
Klan et entraîne un virage radical dans son approche. De plus,
des canadiens ont commencé à démontrer un leadership
que l'on n'avait pas vu avant. À l'instar du bunker de l'Aryan
Nation Church à Haydenlake en Idaho, un albertain, Terry
Long, a construit en 1986 dans la ville de Provost un ranch spécialement
conçu pour préparer la survie de la race blanche. Le
bunker américain est une véritable petite ville protégée
par des gardes armés qui n'hésitent pas à tirer.
Le pasteur Butler, chef des lieux, y invite les leaders fascistes et
nazis du monde entier. C'est d'ailleurs de là qu'était
organisé le réseau nord américain; c'est à partir
de Haydenlake que l'on pouvait contrôler le réseau informatique
mondial qui attribuait des points à chaque attaque ou meutre.
Ce réseau international d'ordinateurs affichait également
des hitlist donnant des informations détaillées
comme cibles (les coordonnées) et le nombre de points accordés. De
plus, ce serait à Haydenlake qu'aurait été fomentée
la carte du premier enclos de la race aryenne. «The aim
of Aryan nations is to establish an independent, all-white, all-Christian,
Aryan-governed nation-state carved out of the northwestern United States
and western Canada». Cet enclos comprend les États
de l'Idaho, de l'Oregon, du Montana et de Washington et les provinces
de l'Alberta La version canadienne prône la suprématie blanche et s'indigne contre tout type de métissage. En guise de propagande, le Klan montréalais diffuse des tracts et laisse des messages portant le numéro de téléphone du groupe sur les pare-brise. La cellule montréalaise du Klan s'appelle Longitude 74 . Longitude 74 (L74) se présente comme une cellule officielle du Klan, dont le chef, Michel Larocque a adhéré aux Knights of the Invisible Empire of the Ku Klux Klan de la Caroline du Nord, l'une des factions qui compose le Klan américain. Il a déjà participé d'ailleurs à plusieurs rallyes organisés par ces derniers. Les actions de L74 se résument à la diffusion de lettres aux médias, aux députés et de tracts lors d'événements spéciaux. Larocque présente le Klan comme une «organisation de droite, non subversive qui défend les droits de notre race [la race blanche]» (Claudé et Hubert, 1991: p. 62). L74 supporte la race blanche, l'entreprise privée, la chrétienneté positive et surtout «la création d'un système scolaire qui donne le choix aux parents d'envoyer leurs enfants dans des écoles composées uniquement d'élèves de race blanche» (Claudé et Hubert, 1991: p. 62). Ces dogmes ressemblent énormément à ceux prônés par le Klan américain. Voici d'ailleurs les six principales croyances du Klan américain selon leur site web; croyance en la suprématie de la race blanche (la race blanche représente le noyau de la Nation , de la culture et de la technologie), en l'Amérique (ne doit pas être soumise par aux influences ou intérêts étrangers), en la Constitution (qui représente le meilleur système de gouvernement écrit par l'homme), en la libre entreprise (le KKK croit en la propriété privée et la libre entreprise mais pas en l'exploitation financière), envers un protestantisme positif (les Américains ont le droit de pratiquer leur foi et de prier dans les écoles) et en la famille (une forte unité familiale ainsi que ses traditions sont la base d'une nation). Il est intéressant de soulever que dans le cas québécois, on parle de chrétienneté positive plutôt que de protestantisme. Cela nous fait dire que ce genre de mouvement est souvent prêt à tout pour attirer des gens, même à passer par-dessus certains principes d'origine. De plus, sur une base plus politique, L74 milite pour le retrait des programmes de discrimination positive, pour la loi et l'ordre, contre les immigrants illégaux, contre la légalisation de la marijuana, contre l'euthanasie, l'avortement et l'homosexualité et finalement contre les nationalisations. Publiquement pacifiste (simple regroupement de blancs, chrétiens, majeurs et sans casier judiciaire), la réalité est toute autre comme on le verra plus tard. Avec une plateforme pareille, il est facile pour le Klan de recruter des adeptes puisque leur agenda est presqu'identique à celui de certains partis politiques nationaux majeurs des années quatre-vingt-dix comme le Reform Party. Le Klan adopte l'habitude de se présenter dans les grands rassemblements et de profiter d'une tension sociale et/ou ethnique pour propager son message. On a vu plusieurs membres de L74 lors de la crise d'Oka, aux fêtes municipales (fête du Canada ou fête des trois cent cinquantième anniversaires de Montréal) et lors de la Saint-Jean -Baptiste. Ces événements leur offre une facilité d'attaquer ou de provoquer les bandes de noirs ou de latinos tout en demeurant assez discret grâce à la foule. Sans donner plus de détails, les auteurs Hubert et Claudé soulèvent qu'il aurait existé un Klan anglophone affilié aux CKKKK à Montréal au même moment que L74. Peut-être s'agissait-il des appuis dont McQuirter avait fait mention? Au Québec, même s'il demeure marginal, le mouvement connaît une certaine croissance entre 1987 et 1991 (au moment de la publication du livre). Il nous est très difficile de savoir si cette croissance s'est poursuivie continuée ou non. Les activités connues du Klan d'avant 1987 se résumaient à la diffusion de littérature haineuse alors qu'au moment d'écrire leur livre, Hubert et Claudé rapportaient des actions plus engagées : prises de positions, attaques, provocations, recherche de l'attention des médias. au d'une plateforme politique. Au Québec ou hors du Québec, on a reporté plusieurs agressions au cours de la fin des années quatre-vingt sans compter le chiffre noir de la criminalité qui doit être ici énorme d'abord en raison de la faible confiance que les minorités ont envers les forces de l'ordre et ensuite en raison de la faible gravité des crimes les plus courants (vandalisme, insultes, intimidation, etc.). Outre le ranch de Long en Alberta, les membres du Klan organisent à l'occasion des festivals aryens dans l'est du pays. Le premier eut lieu à Peterborough (Ontario) en juillet 1989 chez John Beattie du Canadian Nazi Party . Un autre Woodstock aryen fut organisé l'été suivant au sud d'Ottawa. Ces rallyes accueillaient souvent des groupes punk, des organisateurs américains ou canadiens dans une géante cérémonie grandiose à la gloire des blancs d'Amérique. Parfois le côté glamour et populaire de ces rassemblements pousse des jeunes à s'affilier à ce genre d'organisation. Hubert et Claudé identifient le profil des personnes que le Klan attire; «mentalité d'assiégés, éléments d'idéologie fascisante, rêves de domination raciale, conservatisme social, culte de l'ordre et culture de la violence, initiation aux rites du Ku Klux Klan: voilà un mélange d'ingrédients dangereux lorsque consommés sur une longue période et quel que soit le nombre d'individus» (Claudé et Hubert, 1991: p. 68). Comme à Vancouver dans les années quatre-vingt, les actions de plus en plus visibles du Klan québécois pousseront une certaine partie de la population à réagir. Ainsi sera créée la Ligue anti-fasciste Mondiale (LAM) sous l'égide d'Alain Dufour. La LAM est un regroupement de skinheads pacifistes (ou redskins ) dérangés par toute la mauvaise presse que le Klan fait d'eux. Malgré leur apparente bonne volonté, la LAM a une unité de sécurité qui patrouille les rues et les bars où se tiennent les membres du Klan pour leur faire comprendre qu'ils ne tolèrent pas le racisme (nous avons toujours trouvé plutôt étrange la doctrine qui stipule qu'il ne faut pas tolérer l'intolérance!). En d'autres mots, ces redskins provoquent sans porter le premier coup afin d'avoir la légitimité de se défendre. Comme le soulève Dufour; «la violence n'est pas pour nous un but ou une fin, elle n'est qu'un moyen dissuasif pour nous défendre, en dernier recours, lorsque nous sommes attaqués par des groupes fascistes». De plus, à côté de la LAM, se joignent des groupes de noirs et d'immigrants franchement écourés de la violence gratuite et aléatoire des groupes fascistes. Ainsi, à la suite du vandalisme d'un cimetière juif et d'une synagogue à Montréal et à Ste-Foy, la métropole québécoise sera l'hôte d'un vaste affrontement entre noirs et blancs dans le métro. Affrontement qui sera suivi quelques jours plus tard de l'attaque d'Alain Dufour à titre de représailles ainsi que la lapidation d'une famille mohawk tentant de s'échapper de la réserve lors de la crise d'Oka. Face à cette escalade de violence, les médias donnent dans le sensationnalisme avec des titres percutants et des déclarations chocs. Le Montreal Daily news a avoué avec justesse qu'il était rentable de parler des skinheads. Comme dans le cas du Klan de McQuirter, L74, «passé maître dans l'organisation de mises en scène spectaculaires et de conférences de presse percutantes, a aussi la particularité d'émettre un double discours selon les circonstances et le type de journalistes auxquels il est confronté» (Claudé et Hubert, 1991: p. 87). En d'autres mots, la manipulation des médias était pratique courante chez les groupes racistes. Cette façon de faire attira plusieurs critiques à l'endroit des médias: «la responsabilité des journalistes et des médias à l'égard des marchands de haine raciale et religieuse est un problème régulièrement soulevé par le public comme par les diverses composantes des professionnels de l'information» (Claudé et Hubert, 1991: p. 91). Selon Alain Dufour, la situation québécoise ne diffère pas de celle dans l'ouest canadien. Il aurait existé (existe-elle toujours?) des cellules du Klan à Sherbrooke, Montréal et Ste-Foy et plusieurs autres organisations racistes sur le territoire montréalais. Uniquement à Montréal, les diverses faction du Klan se seraient rejointes pour créer une ligue unie. À Sherbrooke, trois personnes auraient été arrêtées pour avoir fait passer illégalement plus de mille copies du livre «Klansman» en juillet 1992. À Montréal, le Klan aurait été à l'origine de l'explosion d'une bombe incendiaire dans un bloc appartement de la rue Cuvillier faisant plus de trente blessés, presque tous des noirs. Toujours selon Dufour, un groupe de trois cents skinheads «contrôleraient» la ville de Montréal. Ce qui différencierait le Klan québécois est leur approche politique moins directe. Ainsi, pas de Woodstock aryen ou de festival nazi au programme. Leur objectif est de noyauter les regroupements politiques de l'intérieur. De plus, étant donné que ces groupes ne sont pas légalement constitués, ils ont une plus grande marge de manouvre. D'ordinaire, la saison estivale est souvent la période où l'abonnement est en hausse en raison des événements culturels qui permettent l'expression de la violence Les informations actuelles au sujet du Klan canadien sont, comme je l'ai dit, très difficile à obtenir. D'une part parce qu'on ne répertorie aucun ouvrage sur le sujet et d'autre part parce qu'il est souvent très difficile de séparer la vérité des canulars dont nous inonde le world wide web. Cependant, c'est en jetant un regard plus fouineur qu'il nous a été possible de sortir quelques faits qui nous en dit beaucoup sur la façon de faire de nos jours. Dans son texte intitulé «Former wizard says it's time to burn the robes» , le journaliste-enquêteur du National Post Stewart Bell écrit dans l'édition du quinze juillet 2002 qu'en 1999, la GRC est mise au courant que William Nicholson, un ontarien de quarante-trois ans et Sorcier Impérial des Knights Riders International . Les soupçons sont éveillés au magasin de photo lorsqu'un préposé voit des photos de Nicholson en toges du Klan. L'enquête de la GRC se terminera par la saisie d'armes, de bâtons de dynamite et de nombreux ouvrages de propagation haineuse. Maintenant sur le droit chemin, Nicholson a retourné sa robe, désillusionné des groupes extrémistes. Il fait des tournées afin de sensibiliser les gens à cette réalité. Avare de commentaires sur la popularité du Klan au Canada, il affirme cependant que l'atteinte d'un millier de membre est l'affaire de rien. Ceux-ci sont habitent principalement entre Vancouver et Calgary (cela rejoint la position géographique du premier enclos de pureté cartographié à Haydenlake). Bien que la gendarmerie royale du Canada et le service canadien de renseignement de sécurité aient ses groupes à l'oil, cela n'empêche pas le Klan d'avoir beaucoup de liens avec les Klans américains. Pour Nicholson, l'objectif n'est pas tellement de vivre dans une Amérique blanche, mais plutôt de mettre la race aryenne à un niveau supérieur des autres. Il ne souhaite pas exterminer les noirs et les asiatiques, mais qu'ils deviennent ses laquais. Est-ce un signe d'ouverture d'esprit? Nous en doutons, mais il n'en demeure pas moins que la police a trouvé plusieurs armes ce qui ne nous trompe pas du moins sur les moyens dont il songeait user pour parvenir à ses fins. Malgré cela, il continue de dire qu'il ne promouvait pas la violence. La réaction citoyenne a été traitée, mais qu'en est-il de la réaction des autorités? Il existe au Canada deux entités qui régissent des cas comme celui du Klan. La Gendarmerie Royale du Canada (GRC) et le Service Canadien de Renseignement de Sécurité (SCRS). Le mandat du SCRS est de faire part au gouvernement des menaces qui pèsent sur le Canada et qui pourraient mettre en danger la sûreté de l'État et de ses citoyens. Le SCRS décortique en quatre sections le type de menace: le sabotage/espionnage, les activités clandestines, les activités favorisant l'usage de violence grave et les menaces visant à renverser le gouvernement. Le SCRS doit donc en tout temps garder la trace des organisations susceptibles de menacer le pays en passant à l'examen des possibilités de violence, de terrorisme politique ainsi que les possibilités de subversion. En d'autres mots, il s'agit d'un travail de prévention qui s'arrête au moment où un acte criminel est commis après quoi, le SCRS doit transférer le dossier à la GRC. Selon Lauder, il faudrait affronter, au Canada seulement, plus de cent cinquante groupes de pressions de droite dont quatre-vingts d'extrême droite. |
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