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Le Ku Klux Klan : mouvement terroriste |
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4. Analyse | ||
Historiquement, il est patent que c'est au moment d'accorder des droits aux non-WASP que le Klan a atteint l'apogée de sa popularité spécialement dans le cas américain. L'instauration de la fin de l'esclavage et la promulgation des droits civiques ont été des bougies d'allumage dans l'histoire du Ku Klux Klan. Quant au Klan canadien, c'est la popularité aux États-Unis qui poussait le mouvement vers le nord. Bien que le Klan canadien ait obtenu une certaine popularité (surtout le Sasklan des années vingt), il existe une différence majeure entre les deux organisations. Le Klan canadien n'a jamais eu l'envergure de son voisin américain parce que le «Canada 's Klan is much too small numerically and too marginal politically to wield the kind of clout enjoyed by the American KKK» (Sher, 1983: p. 206). Comme nous l'avons montré, l'histoire du Ku Klux Klan remonte à loin et a trouvé ses racines dans les sentiments les plus primitifs de l'Homme. Dans le cas de l'Allemagne nazie, il a toujours été facile de pointer Hitler du doigt en prétendant que c'est le seul responsable. Il faut plutôt faire l'exercice de se demander pour quelle raison des millions d'allemands ont suivi ce petit autrichien. La même chose s'applique au Klan. Le Klan n'est qu'une cicatrice apparente que l'on aime cacher ou minimiser. Au Canada, l'histoire nous dit qu'il y avait un terreau fertile pour des idéologies racistes, mais le pacifisme reconnu des canadiens les poussait à refuser toute action de violence. À notre avis, dans le contexte nord-américain, le Klan est une organisation intrinsèquement vouée à disparaître et à renaître tel un phénix. Comme l'a démontré le premier Klan américain, lorsque ses demandes sont écoutées et mises en pratique, le Klan perd sa raison d'être et disparaît. Lorsque ses demandes ne sont pas écoutées, sa popularité s'estompe et il retombe dans l'oubli. À notre avis, loin d'être une organisation unitaire, le Ku Klux Klan est une idéologie «prête-à-porter», accessible aux blancs, qui revendiquent sporadiquement la survie de la race. En d'autres mots, le Klan est en quelque sorte un parapluie, une coquille symbolique pour une foule d'organisations du même type. Maintenant, pourquoi le gouvernement a-t-il tant tardé à agir à l'encontre des groupes suprématistes? Il est vrai que le Klan a eu l'ingéniosité d'effectuer un changement d'approche (inspiré par Duke) en étant moins agressif et surtout pro-blanc plutôt qu'anti-noir ce qui a eu pour effet de limiter les risques d'être poursuivi pour incitation publique à la haine (article 319). Malgré tout, avec un peu d'ingéniosité, nous sommes d'avis que le gouvernement est généralement capable d'agir avec succès. Deux explications sont alors offertes; d'abord, l'hypothèse de l'appui tacite des autorités à l'égard du Klan. À l'instar du populaire second Klan américain (durant les années vingt), on a souvent retrouvé notables, avocats, politiciens, chefs de police dans le Klan. En d'autres mots, le Klan a infiltré ces milieux. Sher soulève; «police forces in general have shown little readiness to clean up their own house when it comes to institutionalized racism» (Sher, 1983, p. 209). La seconde option relève plutôt du principe philosophique que le racisme n'est pas une chose qui se règle à coup de droit criminel. En d'autres termes, le racisme doit principalement se régler au niveau social et non au niveau juridique (Sher, 1983, p. 209). Avant de procéder à toute analyse, nous jugeons primordial de regarder en arrière. Comme le dit le proverbe, «le passé est souvent garant de l'avenir». Dans une perspective historique, nous sommes mieux en mesure de saisir les raisons qui ont motivé l'apparition du Ku Klux Klan. Les derniers chapitres ont démontré que ce mouvement doit sa naissance aux sentiments les plus pernicieux de certains hommes. Il est cependant important maintenant d'évaluer les risques potentiels que peut représenter le Klan pour la société canadienne et québécoise d'aujourd'hui. Pour juger du risque terroriste que représente le Klan, prêtons une attention toute particulière à la façon dont cette organisation fonctionne aujourd'hui. Comme le texte en a fait mention, il est extrêmement difficile de recueillir de l'information sur le Klan de 2006. Deux conclusions peuvent en résulter; d'abord, l'absence de toute littérature moderne à ce sujet serait la preuve que le Klan est inactif (ou du moins endormi) après ses défaites récentes et que les quelques individus qui en demeurent membres (s'il y en a?) sont en nombre si infime qu'ils ne valent pas la peine de faire l'objet d'une étude poussée. Ensuite, il est possible que le Klan, après quelques faits d'armes au cours des années quatre-vingt-dix, se soit retiré de la vie publique soit pour se réorganiser et revenir plus fort que jamais, soit pour mener son combat dans l'ombre et loin des caméras. À mon avis, la première option est la plus plausible puisqu'il serait étonnant que le Klan ait décidé de lui-même, quand tout allait bien, de se réorganiser. L'option de l'action dans l'ombre est également potentielle, mais elle demeure excessivement difficile à défendre vu le manque d'informations. Une autre voie n'ayant pas été énoncée est également à prendre en ligne de compte; le contexte ne s'y prête plus! Nous l'avons vu, le Klan est une organisation qui a vécu ses meilleures années quand la situation économique ou sociale était tendue. Il profitait en effet d'un sentiment d'insécurité vis-à-vis de l'avenir, causé par l'apparition d'un malaise social et économique. C'est en tout cas la théorie du politicologue italien Bonanante qui croit que «the disingregation of society provokes the formation of terrorist groups» (Schmid et Jungman, 1988: p. 70). Gurr renchérit en soulignant que la frustration (causée par un état de manque) combinée à une justification utilitariste et normative de l'usage de la violence constituent la base des mouvements conservateurs violents (Schmid et Jungman, 1988: p. 66). Hubert et Claudé l'affirment, c'est «dans ce contexte de marginalisation d'une partie de la jeunesse et de la présence de plus en plus grande des communautés ethniques, les marchands de haine trouvent un terrain fertile» (Claudé et Hubert, 1991: p. 129). Pour pousser plus loin dans cette analyse, il est opportun de se pencher sur une épineuse question; le Ku Klux Klan est-il une organisation terroriste? Cette question en amène une autre; comment définir le terrorisme? Depuis les événements de septembre 2001, des incitatifs financiers au Canada et aux États-Unis ont amené les chercheurs à se pencher sur cette question. Cependant, aujourd'hui, aucune définition ne fait l'unanimité et chacun adopte sa propre définition, ce qui rend la tâche ardue. Plusieurs préfèrent aborder la question à l'inverse en précisant ce que le terrorisme n'est pas (en l'espèce, disons que le terrorisme n'est pas du racisme ou du nationalisme). La Rand Corporation définit le terrorisme comme un acte de violence ou une menace de violence, calculée afin de créer une atmosphère de peur et d'insécurité. Les auteurs seraient membres d'un groupe organisé et, contrairement aux criminels classiques, revendiquent leur crimes. Finalement, l'objectif des actes terroristes dépasse l'effet de dommage immédiat en ayant des répercussions à long terme. À première vue, cela pourrait s'appliquer directement au Klan. Cependant, si l'on se fie aux nombreuses listes dressées par la CIA , le FBI, la NSA , le DHS, le SCRS, la GRC et autres agences de sécurité intérieure, le Klan ne figurerait pas comme entité terroriste, mais plutôt comme groupe haineux actif (selon le gouvernement américain, 1998). Au Canada, ils sont perçus comme un mouvement extrémiste intérieur. Mais pourtant, en relisant la définition adoptée par le code criminel canadien, il est à se demander pour quelle raison le Klan n'y figure pas. L'article 83.01 (1) b) identifie comme «terroristes» les groupes perpétrant un crime «au nom d'un but, d'un objectif ou d'une cause de nature politique, religieuse ou idéologique et en vue d'intimider tout ou partie de la population quant à sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale à accomplir un acte ou à s'en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l'organisation soit ou non au Canada». Nous nous étonnons encore qu'une organisation prônant avec détermination la suprématie de la race blanche et la déportation des immigrants ne soit pas incluse. Vigneault soulignait à l'époque que «dans ce bilan, on constate en dernière analyse que les disposition du Code criminel sur la propagande haineuse, compte tenu de l'utilisation et de l'interprétation qu'en font les politiciens et les tribunaux constituent une arme inefficace de lutte contre le racisme» (Claudé et Hubert, 1991: p. 118). S'il n'est jugé terroriste par les autorités, le Klan serait-il un groupe du crime organisé? Selon la définition émise par les Nations Unies («groupe structuré de trois personnes ou plus, agissant de concert pour commettre un ou plusieurs crimes en vue d'un bénéfice matériel» (Lunde, 2004: p. 8)), le Klan ne pourrait être considéré comme tel. Le criminologue Abadinsky soutient qu'une motivation idéologique ne peut suffire aux groupes criminalisés (Lunde, 2004: p. 8). Habituellement, le but du crime organisé est financier. Donc, les actions du Klan devraient alors être répertoriées comme des crimes haineux ce qui les rend moins gravement punissables que les autres. Après réflexion, si le Klan n'est pas classé comme groupe terroriste ou criminel (crime organisé), c'est peut-être parce que les autorités jugent que, comme nous, le Klan actuel ne mérite pas d'y être inclus en raison de son absence d'actions concrètes. En d'autres mots, peu importe les propos tenus ou les motivations d'un groupe, tant qu'il ne met pas ses menaces à exécution, il n'est pas considéré comme terroriste. Comme le souligne Jean Vigneault dans la Tribune de Sherbrooke; «c'est dangereux de limiter la liberté de parole et de pensée [défendue par la plupart des Chartes et Constitutions en Occident] . Si on ne doit pas fermer les yeux sur les incitations à la violence, on doit cependant éviter d'imposer par la force nos valeurs et nos idéaux» (Claudé et Hubert, 1991: p. 96). À titre d'exemple, soulignons la présence sur cette liste des groupes actifs de défense des animaux (ALF) ou environnementalistes qui, malgré un discours qui ne fait de mal à personnes, sont surveillés de très près en raison de leurs actions. Cela montre vraiment que ce sont les moyens et non les buts qui déterminent l'appellation «terroriste». Le mouvement du Ku Klux Klan des années quatre-vingt-dix serait terroriste selon les dires de Pierre Mannoni car à son avis, dès qu'un regroupement d'individus prônant une idéologie met ses gestes à exécution, on peut le qualifier de terroriste. Nous ne retiendrons pas cette vision que nous jugeons trop large et donc peu intéressante pour les fins du texte. Leman-Langlois présente quant à lui les organisations néo-nazies d'extrême droite comme des regroupements terroristes, nous exprimons une opinion différente car à notre avis, un mouvement, raciste et promouvant la haine raciale ne peut être catalogué comme terroriste s'il ne commet aucun geste de violence. Ces gestes peuvent toutefois être de nature officielle (organisés par l'organisation) ou officieuse (endossées après coup). Bien évidemment, il existe plusieurs motivations à commettre une action terroriste. Le SCRS, sur son site web, nous indique trois motivations possibles; par conviction religieuse (extrémisme islamique), par nationalisme (IRA) ou par idéologie. Le Ku Klux Klan entre dans cette dernière catégorie. Le rôle de l'idéologie n'a pas été complètement remplacé par celui de la religion. Il existe encore plusieurs mouvements extrémistes de gauche, cependant, ceux de droite sont beaucoup plus courants. Les groupes racistes, personnifiés par le Ku Klux Klan par exemple, constituent le cour radical du militantisme de droite. Mais bien que, nous l'avons démontré plus tôt, le Klan n'est pas considéré comme une organisation terroriste, nous croyons tout de même qu'il est intéressant de nous pencher plus profondément sur les paradigmes théoriques criminologiques de cette organisation. En fait, afin de stimuler l'analyse, il s'agit d'appliquer, de manière non exhaustive, les différentes théories criminologiques dites «classiques» (appliquées au crime contre la propriété ou contre la personne) au sujet en l'espèce et de voir si elles sont applicables. Avant d'aller plus loin, il faut d'abord distinguer les deux archétypes de théories. Les premières portent sur la réaction sociale et sur le contrôle du crime. Les théories qui s'y rattachent portent sur la façon dont nous réagissons aux phénomènes que nous définissons comme des «crimes». Il est évident que notre difficulté d'adopter une définition univoque du terrorisme peut affecter la valeur de cette approche constructiviste. En effet, la définition que l'on prend pour définir le terrorisme joue un rôle direct dans les actes et les conséquences aux actes étudiés. Ainsi, un acte X peut être considéré comme du terrorisme par un individu (adoptant une certaine définition), alors qu'il ne s'agit que d'un crime traditionnel pour un autre (tenant d'une toute autre définition). Bien que très révélatrices du manque à ce niveau, ces théories ne nous sont d'aucune aide, car elles demandent une étude approfondie du sens étiologique de «terrorisme» ce qui n'est pas l'enjeu de ce travail. Ce sont donc les théories du deuxième type que nous allons choisir. Les théories étiologiques du crime se chargent d'expliquer un phénomène (en l'espèce, l'organisation du Klan). Ces théories sont tantôt de type «macro» (explication des phénomènes sociaux), tantôt de type «micro» (explication de l'action des individus). Une théorie de chaque catégorie a particulièrement retenu notre attention; la théorie de l'apprentissage social d'Edwin Sutherland (micro) et celle du conflit de Walter Miller (macro). Selon Sutherland, la violence intrinsèque du Klan serait directement issue d'un effet d'enchaînement. Ce serait donc en apercevant certains membres du Klan user de violence que cette violence s'est «institutionnalisée». Cette théorie est applicable essentiellement au Klan américain de 1865. De simple tentative d'effroi, les visées du Klan se sont rapidement radicalisées. Cela montre que la violence n'était pas intrinsèque au mouvement et qu'elle a été acquise. Avec les années, le Klan s'est métamorphosé et la violence (incluant notamment de nombreuses pendaisons) a toujours été une marque prépondérante du Klan. Cependant, avec les données les plus «récentes», on se rend compte qu'au Québec par exemple, cette violence a nettement diminué pour ne devenir que l'apanage des plus radicaux. Sutherland évoque aussi que plus le groupe est petit et clos, plus cet effet d'enchainement est présent et fort. Sa puissance enfle à mesure que les influences externes s'effritent. Cela serait le cas par exemple de la mini cité raciste de Haydenlake. L'immense popularité du Klan des années vingt aux États-Unis et en Saskatchewan prouve cependant le contraire! Il soulève également que les membres n'adoptent pas uniquement les techniques, mais aussi l'identité délinquante (c'est l'association différentielle). L'organisation offre alors un apprentissage de valeurs ainsi que des occasions d'actes délinquants. Rappelons que nombre de politiciens et hommes forts respectés de leur communauté étaient membres du Klan. Sont-ils devenus des personnes violentes? À cet égard, rappelons ici que le Klan, par nature/vocation, vise des buts qui ne sont ni pécuniaires ni matériels, mais très idéologiques. C'est donc pour cette raison majeure que des gens de toutes classes se sont joints au Klan. Contrairement à ce que Sageman disait à propos de la radicalisation progressive des membres des réseaux terroristes dans son texte sur les Moudjahidines (Sageman, 2004), le Klan, avec les années, les pressions et la pression des nouvelles valeurs semble s'être «ramolli». L'une des faiblesses de la théorie de l'association différentielle se situe au niveau du recrutement. En d'autres mots, elle explique mal comment les membres sont entrés en contact les uns avec les autres. Dans le cas de Klan, cela s'est fait par recrutement et par ralliement volontaire à des idées similaires, ceci explique bien la façon dont ils sont entrés en contact. Somme toute, la théorie de l'apprentissage social de Sutherland s'applique, mais de manière bien incomplète. L'autre théorie est-elle plus applicable? Les théories macro se penchent sur les mouvements sociaux plutôt que sur l'individu. La théorie de Walter Miller repose sur le conflit. Ce conflit doit être situé à la base même de la société et pas seulement l'affaire d'une minorité. Dans cette optique, la forme actuelle de la société serait le résultat de conflits multiples et non d'un consensus. Il est important de clarifier que par «conflit», Miller ne signifie pas nécessairement la présence de conflits ouverts où la société s'entredéchire. Miller croit que la société est divisée en sous-groupes qui ont tous une culture différente et un pouvoir politique différent. Ces groupes sont régis par des règles qui ne sont pas les mêmes d'un groupe à l'autre et ne peuvent faire l'objet d'un consensus. Selon lui, un seul de ces groupes serait en mesure d'imposer ses règles à tout le monde (habituellement la classe moyenne). Les groupes qui subissent cette pression ne sont pas bien adaptés et développent une culture d'opposition au groupe dominant, ce qui mène à la valorisation de l'autonomie face au système. Nous jugeons que cette théorie s'applique particulièrement bien au Klan pour plusieurs raisons. De façon générale, le premier Klan a été fondé au lendemain d'une guerre civile dans un pays divisé. Les nouveaux maîtres (les nordistes) imposaient leurs lois et règlements aux sudistes notamment en ce qui a trait à la relation avec les noirs. Ceci a crée une forte culture d'opposition qui s'est propagé à l'ensemble du Sud (en effet, les états sudistes n'ont pas respecté les amendements du Congrès). N'ayant aucune façon officielle/légitime de protester, le Klan s'est dressé. Idem lors des années vingt. Plus tard, cependant, c'est lors de la modernisation du mouvement que sa raison d'être (et par ricochet sa popularité) va être remise en question. Avec une population supérieure à trois cent dix millions d'individus, il est bien évident que le Klan a suscité un certain intérêt en Amérique du Nord, mais de là à dire qu'il s'agit d'un mouvement social, il y a un pas! C'est la situation à laquelle nous faisons face aujourd'hui. De plus, la signification du conflit pour Miller s'apparente davantage à la situation actuelle du Klan qui compte plusieurs supporteurs sans être directement visible. Bien évidemment, une organisation complexe comme le Klan peut être analysée selon plusieurs écoles de pensée, mais la difficulté est d'en trouver une qui soit en tous points analogue ou représentative. Somme toute, nous croyons que bien qu'imparfaite, la seconde théorie présentée demeure la plus compatible. Le présent travail a tenté de jeter un regard analytique sur les dangers que représente le Ku Klux Klan pour la société actuelle en brossant un tableau historique du mouvement. La première conclusion que nous pouvons en tirer est que le Klan canadien diffère énormément de son homologue américain. Beaucoup plus populaire et violent, le Klan américain a une histoire beaucoup plus étoffée. Est-ce dû à l'ouverture d'esprit des canadiens ou au simple fait qu'en termes absolus, la population canadienne soit plus faible? Face à sa nature changeante et polymorphe, on ne peut jamais affirmer être débarrassé du Klan. Loin d'être une organisation unitaire, continue et structurée, elle apparaît et disparaît au gré des époques. Qu'est ce qui a fait disparaître le Klan cette fois-ci? Nous proposons ici quelques pistes tout en avertissant le lecteur qu'il s'agit ici de pures spéculations qui mériteraient d'être traitées dans un travail subséquent. Cet apport vise à stimuler la réflexion et l'analyse. Soulignons d'abord que les nombreux efforts du système d'éducation sont dignes de mention. Vivant dans un pays d'immigrants, les autorités ont choisi le meilleur moyen d'attaquer le problème à la base; mettre sur pied des programmes d'intégration des minorités prônant des valeurs de respect, fierté, autonomie,. Il ne fait aucun doute que cela a du avoir des répercussions sur la situation sociale et ethnique. Comme le cite Lauder; «have students reflect on ways in which prejudice and discrimination might be counter-acted and reduced. (eg. education, perceiving people as individuals rather than categorizing on the basis of stereotypes, fair rules, equal opportunities, teamwork, social interaction, inter-marriage, etc.)». Le deuxième facteur pourrait être dû à l'instauration de mesures plus strictes punissant les propos haineux. La création de la Charte des droits et libertés, ainsi que son utilisation de mieux en mieux articulée par les tribunaux, a permis aux gouvernements et aux services policiers d'établir une ligne de conduite claire et socialement acceptable. De plus, les événements de septembre 2001 ont poussé les gouvernements occidentaux à: renforcer leurs systèmes de sécurité interne, porter une attention toute particulière aux groupes extrémistes et promulguer de nouveaux pouvoirs, lois et règlements. L'attitude des médias a également joué pour beaucoup. Tombés dans le piège du charisme, les médias ont du revoir leur façon de couvrir les nouvelles de manière plus neutre. Auparavant, non seulement publicisaient-ils les exploits du Klan, mais ils leur permettaient de publiciser au grand public les actes de tel ou tel groupe. Qui ne serait pas enchanté de voir ses crimes ou graffitis à la télévision (symbole de reconnaissance sociale). Un coup dur a été porté au Klan lorsque les médias lui ont tourné le dos. Une autre piste a trait au contexte et aux valeurs contemporaines. Par là, nous référons aux valeurs actuelles. Le Canada connait depuis une dizaine d'années maintenant, une situation économique favorable. À part l'intégrisme musulman, on n'assiste à aucune grande tension ethnique. Un vent de rectitude politique (le «politiquement correct») souffle sur le pays depuis plusieurs années. Personne ne veut être perçu comme raciste aux yeux des autres. Il semble que cela ne soit plus une question de respect, mais d'apparence! Le Québec est la province la plus à gauche sur l'échiquier politique et ce, depuis belle lurette. Donc, les valeurs de partage, d'ouverture et de respect semblent avoir gagné la grande majorité des citoyens. Nous sommes d'avis que pour exister, une organisation extrémiste comme celle du Klan doit non seulement avoir un nombre suffisant de membres actifs, mais doit également bénéficier de la bienveillance tacite d'un bon nombre de sympathisants sans quoi elle ne répond à aucune «demande». C'est ce qui semble arriver au Klan canadien; peut-être a-t-il perdu autant son noyau dur que la majorité silencieuse? En raison de leur nombre plus important aujourd'hui et de leur facilité à se regrouper, les minorités semblent désormais mieux équipées pour faire face à des mouvements racistes comme le Klan. Comme on l'a vu dans le récapitulatif historique, les résistances résolues ont souvent été lentes à s'organiser et à faire front commun. Avec les moyens actuels de télécommunication, cette difficulté ne devrait pas se répéter. Cependant, la technologie peut également s'avérer être une aide précieuse pour le Klan qui est désormais capable d'établir des liens avec tous les Klans du monde. L'Internet demeure un camouflage formidable pour le Klan qui peut maintenant s'adonner à ses activités dans l'ombre. À l'échelle internationale, les années quatre-vingt-dix ont été marquées principalement par la chute du bloc soviétique et par les génocides au Rwanda et en Bosnie. Alors que le premier événement marquait la mort d'un des ennemis du nouveau Klan, les deux autres ont peut-être contribué à entacher la réputation des organisations nationalistes et suprématistes de droite. Finalement, le nom Ku Klux Klan en lui-même a toujours été synonyme de violence, racisme et brutalité. Très symbolique, il frappe les collectivités, rappelle de douloureuses images et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles il n'est plus utilisé. Rappelons que même dans les années quatre-vingt-dix, le Klan montréalais avait adopté le nom Longitude 74 ! Les trois K constituent-elles l'une des raisons de son impopularité? À moins que ce nom trop chargé ait été définitivement abandonné au Canada. Autre piste, nous croyons que l'avènement des gangs de rue (principalement composés de haïtiens ou de jamaïcains), ouvrant dans des crimes plus conventionnels, au sein d'organisations mieux structurées, plus violentes et surtout plus nombreuses aurait joué un grand rôle dans la disparition publique du Klan. Conscients de leur infériorité, les punks, skinheads et autres suprématistes blancs auraient perdu leur influence (leur aura) dans les milieux urbains. Peut-être que les idées suprématistes blanches sont peut-être encore vivaces dans les milieux plus ruraux? À titre anecdotique, l'auteur de ces lignes (né en 1981) se rappelle que dans sa jeunesse, les punks et les skinheads étaient redoutés de tous. Plus tard, ce sont les gangs de noirs qui retiendront toute l'attention. Y a-t-il eu un affrontement en règle entre ces deux groupes, nous ne pourrions le dire, mais il apparaît qu'à la lumière des informations de ce texte, c'est un drôle de hasard. Quoiqu'il en soit, nous n'avons pas les connaissances pour confirmer ou non ces théories. Nous croyons seulement que la disparition actuelle du Klan est l'effet d'une ou de plusieurs de ces causes. Pour en avoir le cour net, il faudrait effectuer une analyse sociologique en profondeur des années quatre-vingt-dix et suivantes. Il serait pertinent qu'un tel travail soit fait, principalement en raison de l'absence de toutes informations récentes à ce sujet.
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