Sécurité des frontières : voies maritimes et ports internationaux  
     
 

Chaîne de transport et trafic de conteneurs

 
   
 

 
     
 

Il nous semble essentiel d’offrir une mise en contexte concernant la chaîne de transport par voies maritimes. Cette explication est importante au niveau de la menace terroriste, car un des scénarios les plus envisageables est la dissimulation d’armes, entre autres de destruction massive, dans un conteneur ayant son port de destination ou de transit en territoire nord-américain. Afin de bien expliquer la façon dont s'opère le trafic maritime par conteneurs, nous avons cru pertinent de décrire brièvement chaque étape de la chaîne de transport, du tout début à la toute fin. (Pour ce faire, nous baserons cette section sur un cas d'importation au port de Montréal, tout en sachant que l'inverse est équivalent au niveau de l'exportation .) Cela permettra de plus au lecteur de prendre   conscience de toutes les étapes d’entrée en contact avec les conteneurs, afin de souligner les opportunités criminelles permettant l’introduction d’un colis suspect et dangereux à l’intérieur de ces boîtes métalliques.

Chaîne de transport

Au départ, un client, appelé chargeur dans le vocabulaire maritime, désire importer de la marchandise venant d'un pays outre-mer. Ce client peut être un particulier qui, par exemple, déménage à Montréal et veut faire livrer ses meubles et ses articles personnels provenant de Paris. Le client peut consister aussi, ce qui est le cas dans la majorité des importations au port de Montréal, une compagnie qui importe de la marchandise, dont les exemples sont infinis : bouteilles d'alcool, télévisions, vêtements, tuiles de céramique, fruits et légumes, etc. Pour importer le stock par conteneur, le client communique d'abord avec un transitaire, qui va s'occuper de lui trouver une place sur un navire. Le transitaire, communément appelé le broker, peut être spécialisé dans le transport maritime, aérien ou terrestre, ou s'occuper des trois volets.  Il peut être indépendant ou appartenir à des filiales comprenant un nombre plus ou moins élevé d'agents. Le transitaire prend en charge l'ensemble du transport par conteneur, soit des formalités douanières et consulaires, des assurances, d’entreposage. Il est l'unique interlocuteur avec l'importateur. Le broker va donc "magasiner" les compagnies maritimes qui offrent des places sur leurs navires selon les prix et la date à laquelle sont client désire embarquer sa marchandise à destination de Montréal.

Les compagnies maritimes (ex. CP Ships, Maersk Sealand, OOCL) offrent un service de transport maritime international, dans des conteneurs de 20 ou de 40 pieds. Les armateurs, synonyme de compagnies maritimes, relient plus de cent pays du monde entier à Montréal, par l’intermédiaire de lignes maritimes. Ces dernières «sont fonction des passages imposés par les vents, les courants, la profondeur des eaux et les récifs. Par conséquent, les grandes routes maritimes sont des corridors de seulement quelques kilomètres de largeur qui dessinent des arcs sur la surface des eaux du globe» (Les modes de transport : un synopsis). L’armateur est représenté sur les quais par un agent que l’on appelle le surintendant.      

Une fois le navire accosté au port de Montréal, les entrepreneurs en manutention, ou compagnies d’arrimage, se chargent de l’ensemble des opérations de chargement et de déchargement des bateaux. Les vérificateurs, ou de l’anglais checkers, sont responsables de la vérification de la marchandise et de la bonne coordination du travail de débardage et relèvent des surintendants. Ils donnent les indications de déchargement aux débardeurs (dockers), suivant une pré-planification réalisée par un représentant de la compagnie maritime. Les vérificateurs ne donnent de directives aux débardeurs qu’au niveau des déplacements de cargo, ces derniers se rapportant plutôt aux contremaîtres, qui sont des débardeurs ayant un certain niveau d’ancienneté. Les débardeurs, travaillant manuellement, dans des camions ou sur de la machinerie, déposent donc les conteneurs aux endroits prévus, soit dans une telle section directement sur les quais, dans des entrepôts, selon la suite de leur trajet (voie maritime, ferroviaire ou routière).      

Montréal peut être la destination finale du cargo, un camionneur viendra alors le chercher moyennant la présentation des documents nécessaires à la guérite, soit un bon de livraison (bill of lading). Cela peut aussi être n’importe où dans le centre du Canada et dans le nord-est des États-Unis, alors le mode ferroviaire sera privilégié.

Le transport vers la destination finale peut se faire dès le débarquement si la marchandise n’est pas interceptée par les douaniers. Si le conteneur en question a préalablement été ciblé par le service de renseignement des douanes, les douaniers pourront alors effectuer un examen sommaire avec un appareil de style radiographique mobile, ou décider d’envoyer le cargo à l’entrepôt des douanes pour un examen plus poussé où il pourra rester jusqu’à quelques jours.

Opportunités criminelles

Les conteneurs passent donc par une multitude d’intermédiaires, dont le nombre augmente au fur et à mesure que ces boîtes transitent, au cours d’un même trajet, par plusieurs ports maritimes et par d’autre modes de transport jusqu’à leur destination finale. Selon Richardson (2004), un parcours typique pour un conteneur implique environ 25 manipulateurs différents, génère jusqu’à 40 différentes séries de documents, passe par plusieurs autres moyens de transport (camions, trains) et par une quinzaine d’emplacements différents, de l’usine où la marchandise est chargée jusqu'au point de déchargement et de livraison.    

Originellement, seul le client a connaissance de ce qu’il met à l’intérieur du conteneur, soit la marchandise qu’il désire importer ou exporter et dont il devra fournir une description détaillée au transitaire, information qui sera ensuite envoyée à la compagnie maritime et aux services de douanes. Ces trois instances ont donc seulement connaissance de la nature de la marchandise de par la déclaration fournie par le chargeur, qui peut prendre le risque d’introduire des substances illicites, tel que des stupéfiants et des voitures volées, ou des matières dangereuses comme des armes ou du matériel chimique.      

En principe, seul l’importateur à l’autre bout de la chaîne de transport est autorisé à ouvrir le conteneur, mais plusieurs acteurs mal intentionnés pourraient saisir leur opportunité d’entrée en contact avec les boîtes pour y introduire ou y retirer quelque chose, soit les membres de l’équipage, les représentants de compagnies de transport routier et les travailleurs maritimes. Premièrement, les membres de l’équipage se trouvent légitimement sur les porte-conteneurs pendant plusieurs jours et peuvent avoir accès aux cales du navire, où sont empilés des centaines de conteneurs. Ils ont de plus accès aux installations du bateau, qui ont déjà servi à dissimuler des stupéfiants, par exemple sous la coque ou dans la structure du navire. À cet effet, Richardson (2004) souligne les vulnérabilités existantes au sein de l’équipage du réseau de transport maritime mondial, qui compte plus de 1,2 millions de membres. Il semble qu’Al Qaeda et ses affiliés pourraient infiltrer avec une facilité relative les rangs des matelots, qui viennent en grande partie d’Asie, d’Europe de l’est et de Russie. Selon cet auteur, le recrutement y est plus ou moins contrôlé, et souligne que des études ont démontrées qu’un nombre élevé de certificats de qualification détenus par les membres de l’équipage sont falsifiés et qu’il est facile de se procurer de faux papiers de matelots, idée supportée par l’International Transport Workers’ Federation.  Il semble de plus que, quoi que des agences responsable de l’embauche de l’équipage ont l’obligation de s’assurer que les candidats répondent au normes internationales et de procéder à la vérification de leurs antécédents, certaines ne le font pas.      

Deuxièmement, les camionneurs affectés au transport de conteneurs pourraient, avant de se rendre à la destination finale prévue pour le cargo, faire une halte dans un entrepôt afin d’y introduire ou d’y retirer une marchandise clandestine, possiblement à l’aide de complices.      

En ce qui concerne les travailleurs maritimes responsables du travail de débardage (chargement/déchargement de navire), ces derniers ont aussi accès à la marchandise de par la manipulation des conteneurs. Cependant, une organisation sur les quais est nécessaire afin de subtiliser ou ouvrir un conteneur, car le déchargement est pré-planifié et ne peut normalement pas être perturbé par les travailleurs. Cette situation s’est cependant produite au port de Montréal pendant plusieurs années, alors qu’un vérificateur de conteneurs, Donald Matticks, est parvenu, grâce à la collaboration de plusieurs débardeurs, à mettre la main sur des quantités importantes de stupéfiants. Cette affaire sera élaborée dans la section portant sur les vulnérabilités du port.

 
     
 
Trafic de conteneurs

• Le port montréalais est situé à 1600 km de l’océan atlantique et se trouve à être le mieux situé par rapport au bassin de consommateurs nord-américain, qui sont quelque 100 millions.
• Par année, plus de 20 millions de tonnes de marchandises est manutentionnés au port de Montréal : stock conteneurisé ou non, céréales, produits pétroliers et marchandise en vrac (solide et liquide)
• Le port de la métropole se trouve à être le trajet le plus cours entre les ports européens et le marché nord-américain. Il est relié par de nombreuses compagnies maritimes à plus de 100 pays de tous les continents.
• Le trafic de marchandise conteneurisée croît de façon importante et constante au port. Pendant les dix dernières années, ce trafic a augmenté de 5,3% par année, en moyenne.
• En 1967, le port de Montréal reçoit son tout premier conteneur. Le port a manutentionné plus d’un million de conteneurs (équivalents à 20 pieds) pour la première fois à l’an 2000.
• Sur l’ensemble de la marchandise conteneurisée qui arrive au port, environ 50% a pour destination ou origine le marché canadien, principalement les provinces québécoise et ontarienne. L’autre 50% est consacrée au marché américain, surtout le Midwest (Illinois, Michigan, Minnesota, Wisconsin et Ohio) et le Nord-Est du pays (Nouvelle-Angleterre et l’état de New York.

 
(source : site du port de Montréal)
La conteneurisation de la marchandise dans les années 60’ a eu des conséquences positives sur le trafic par voie maritime : augmentation de la rapidité du commerce, réduction des dommages ainsi que des pertes dues aux vols, plus grande facilité d’entreposage, adaptation tant au mode maritime, que terrestre et ferroviaire (transport intermodal), possibilité de manipulation universelle, etc. (voir Dupont et cie, 1979). Cependant, l’usage du conteneur a aussi eu des répercussions négatives, notamment au niveau de la consommation d’espace, du coût des infrastructures et de la complexité de la gestion et de la logistique. L’inconvénient qui nous intéresse toutefois touche le commerce illicite. En vertu de son caractère confidentiel, le conteneur offre une occasion en or aux trafiquants de produits illicites, qui peuvent importer et exporter de grandes quantités de marchandise illégale, telle que de la drogue ou des armes, tout en ayant peu de chance de se faire prendre.
 
     
   
 
2002-2014, ERTA