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Sécurité des frontières : voies maritimes et ports internationaux |
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Vulnérabilités des ports maritimes et lien avec le terrorisme |
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Contrebande par voies maritimes et vulnérabilités des ports À l’instar de d’autres environnements frontaliers, les ports maritimes offrent des opportunités criminelles intéressantes, voire nécessaires, pour les trafiquants de produits illicites désirant opérer sur une base internationale. Un extrait d’un rapport produit par le Service canadien de renseignements criminels explique cette vulnérabilité : « De nombreux ports maritimes canadiens reçoivent une forme quelconque d’expéditions internationales, que ce soit des conteneurs ou des cargaisons diverses. De ce fait, ils sont tous susceptibles de devenir des points d’entrée pour la contrebande et de faire ainsi l’objet d’une infiltration et d’une exploitation criminelles.» (voir Rapport annuel 2003 sur le crime organisé au Canada). Une (1990) a réalisé une étude pour le compte des Nations Unies portant sur la contrebande de drogues par voies maritimes. Il a démontré dans quelle mesure le trafic de stupéfiants par voies aériennes et terrestres avait considérablement baissé au cours des dernières années, alors que le trafic maritime, quant à lui, prend une place de plus en plus prédominante. En effet, il semble que la surveillance est considérablement plus stricte au niveau des voyages aériens : les protocoles douaniers y sont plus sévères, il y a un contrôle des passagers et de leurs bagages qui est plus poussé, alors que les mesures de contrôle appliquées dans les ports sont plus beaucoup plus souples.(Aune, 1990) Il fait état de plusieurs vulnérabilités existant au sein des ports maritimes, qui rendent extrêmement difficile l’appréhension des contrebandiers. Par exemple, il mentionne les insuffisances des systèmes de surveillance, tels que les radars, qui laisse des angles morts derrière de gros objets et qui s’avère inefficace en cas de mauvais temps, ou encore les caméras de surveillance qui ont quant à elles un champ de vision limité. La présence constante de patrouilleurs dans le port tout entier s’avérerait une solution plutôt efficace afin d’augmenter le nombre de saisies, mais les dépenses publiques qu’un tel programme occasionnerait sont trop considérables.(ibid) Une autre limite inhérente au contexte maritime est l’implication des travailleurs légitimes au sein d’activités délictueuses, comme le démontre la citation suivante : « Les ports et leurs alentours ont été le théâtre de formes les plus flagrantes d’activités illicites, qu’il s’agisse de simples maraudes ou d’entreprises criminelles organisées très perfectionnées. » (ibid, p. 72) Toujours selon cet auteur, les personnes se trouvant légitimement dans les environs du port, qui ont accès aux embarcations sont en quelques sorte protéger par un certain anonymat et sont plus à même de se saisir d’opportunités criminelles offertes par le milieu. La liste de ces travailleurs légitimes élaborée par Aune au sein d’un environnement portuaire est longue : les manutentionnaires, les agents des services d’immigration et des services de douanes, les débardeurs, les marins, les agents de police portuaire, les agents de sécurité, les agents de compagnies maritimes, les camionneurs, ce à quoi nous ajoutons les vérificateurs de conteneurs. Non
seulement le simple fait de se trouver au port et d’avoir accès aux installations permet à ces individus de commettre des délits de toutes sortes, l’organisation et le mode de sélection des travailleurs maritimes offre des conditions favorables à la commission de crime en toute impunité. Mars Dans cette optique, il est intéressant de noter que les principaux actes délictueux commis à l’intérieur du port sont des vols de conteneurs ou des vols de leurs contenus. Cependant, ces infractions n'étant pas déclarées par les entreprises, il n’y a par conséquent pas de statistique pouvant nous éclairer sur l'ampleur du phénomène (Comité sénatorial,
2002) Comme nous l’avons brièvement démontré dans les précédentes sections, une situation d’influence, voire de contrôle de la part d’individus reliés au crime organisé a pendant des années caractérisé le port de Montréal. Un individu connu des autorités, G. Matticks, avait une influence sur certains individus au port. Par le déplacement, le remplacement et le vol de conteneur, il est parvenu à importer 33 000 kilos de résine de cannabis et 265 kilos de cocaïne entre décembre 1999 et février 2001 (LCN - 18 janvier 2005). Il importait de la drogue, en provenance de Colombie, du Pakistan et d’Afrique du sud et réussissait à s’emparer de la marchandise grâce à la collaboration de débardeurs et de son fils, Donald Matticks, qui occupait la position de vérificateur de conteneurs. Ce dernier a plaidé coupable à 14 chefs d'accusation d'importation et de complot pour importer de la drogue et a reconnu avoir fait entrer clandestinement au pays de la drogue ayant une valeur approximative de 2 milliards de dollars sur le marché noir. En effet, un tel milieu portuaire offre une multitude d’opportunités criminelles aux membres d’un réseau de trafiquants, mais aussi à des travailleurs maritimes qui ont l’avantage de jouir d’un certain anonymat dans le milieu, en d’autres termes sur les quais. C’est ainsi que des associations, temporaires et stratégiques, peuvent être faites entre des contrebandiers et des personnes légitimes. Il est important de tenir compte des circonstances ayant permis à des membres d'organisations criminelles de s'introduire au sein de l'environnement portuaire montréalais. Matticks et ses acolytes, qui sont associés à la gang de l’Ouest (West End Gang), ne se sont pas implantés dans le milieu du jour au lendemain et n'y seraient probablement pas parvenus si une certaine organisation du travail des employés maritimes ne leur avait été favorable. À la lumière de certains rapports officiaux consultés, nous sommes en mesure d'affirmer que certains travailleurs s'associaient et s'organisaient entre eux afin de contrôler les syndicats, et du fait même l'embauche et l'affectation des employés. Cette planification leur a permis de se saisir d'opportunités criminelles présentes sur les quais, tels que le vol de conteneurs et de leurs contenus. C'est ainsi que la présence de travailleurs légitimes ayant des niveaux variables de propension au crime ouvre la porte à des criminels désirant pénétrer le milieu stratégique qu'est le port de Montréal. En effet, des individus désirant perpétrer des activités illégales telle que l'importation de stupéfiants ou toute autre marchandise illégale, voire la commission d’actes terroristes, ont tout avantage à s'associer avec des travailleurs y occupant des postes clé, tels que des vérificateurs de conteneurs ou des membres syndicaux (les employés sont référés en grande partie par les syndicats). À un niveau un peu supérieur, un individu ayant des intentions criminelles tentera même de s'infiltrer lui-même, ou par l'intermédiaire d'un associé, à l'intérieur de l'organisation du port. Cela nous ramène au cas de Gérald Matticks qui a travaillé longtemps au sein du port Montréalais. Il avait réussi à graver les échelons hiérarchiques et à occuper le poste de vérificateur de conteneurs, allant même jusqu'à introduire plusieurs membres de son clan à l'intérieur de son environnement de travail. Il semble que cela ait permis à Matticks de se créer des contacts et l'expertise nécessaires à l'importation de stupéfiants, ce dernier ayant été condamné récemment à douze ans d'emprisonnement pour avoir fait transité des quantités importantes de drogue par le port de la métropole. Cette affaire a permis aux autorités portuaires de prendre conscience des vulnérabilités inhérentes à l'organisation du travail sur les quais et ainsi de prendre des mesures pour y remédier. Dans le même ordre d'idée, Sher et Marsden (2003), dans leur chapitre intitulé «les ports d’entrée », s’attardent à démontrer la présence d'organisations criminelles, notamment des Hells Angels, au sein des ports canadiens, soit ceux de Vancouver, d’Halifax et de Montréal. Cette idée a été supportée par des agents du service de douanes et de la GRC (voir Comité spécial sur la consommation non médicale de drogue ou médicaments, 2001), ce à quoi ils ajoutent que les autorités des ports américains sont aussi aux prises avec le même problème, soit une conspiration interne des travailleurs qui rend possible la commission d’actes criminels au sein de leurs terminaux. Crime organisé et terrorisme maritime La situation criminogène des ports internationaux semble être en lien avec la menace terroriste planant sur le secteur maritime. Dans une première mesure, les vulnérabilités inhérentes au personnel, en ce sens que certains employés sur les terminaux ont déjà démontré une propension au crime, pourrait éventuellement les amener à collaborer avec des mouvements terroristes. Le lien n’est certainement pas direct, mais nul ne peut nier que la transgression des règles et l’organisation des travailleurs sur les quais ouvrent la porte à d’autres types d’infraction, comme le mentionne un agent de renseignement de l’agence des douanes et du revenu du Canada : « Si ces individus facilitent l’entrée au pays de stupéfiants, qu’est-ce qui nous dit qu’ils ne faciliteraient pas l’entrée d’une arme nucléaire? Pour eux, cela importe peu.» (Comité spécial ,2001). Un lien entre le crime organisé, spécialisé dans des activités criminelles lucratives, et les organisations terroristes peut sembler logique dans la mesure où elles sont constamment à la recherche de financement pour leurs activités terroristes. Certaines organisations terroristes ont recours à des techniques de financement telles que le trafic d’êtres humains, de biens et de substances illicites tels que les armes ou les drogues, qui sont aussi des activités privilégiées par des individus appartenant à plusieurs organisations criminelles à travers le monde. Comme les ports maritimes internationaux sont susceptibles d’être le terrain d’un tel commerce illégal, on voit l’enchevêtrement de ces deux activités et la double utilité pour les gouvernements de les combattre. En ce sens, M. Stephen Owen, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, a illustré devant la chambre parlementaire les caractéristiques communes au crime organisé et au terrorisme : sa portée universelle, son mépris des frontières, son absolue violence et de sa structure en réseaux, son fonctionnement par cellules et sa manière de partager l'information. (voir lien) Un représentant de la Police de la Ville de Montréal répond à la question portant sur l’existence d’un lien entre le crime organisé et le terrorisme : « Il y a une chose qu’il ne faut pas perdre de vue. Le crime organisé est toujours à l’affût du travail qui rapporte de l’argent. Il y a quelques années, il y a 50 ans, c’était seulement l’alcool. Ensuite, c’est devenu les cigarettes, puis la drogue. Aujourd’hui, il peut y avoir autre chose qui intéresse le crime organisé.» (Comité spécial, 2001). Fait éloquent, un entre le commerce illicite de stupéfiants et le terrorisme a été prouvé en décembre a gent de renseignement à l’unité contre le crime organisé de Montréal (GRC) affirme que des paquets de stupéfiants saisis au port de Montréal affichait les mots : «Liberté pour l’Afghanistan». Il est donc possible que les fournisseurs financent des activités terroristes avec l’argent récolté par la vente de drogues à des organisations criminelles. Un autre exemple de ce lien a été démontré en décembre 2003, lorsque les forces armées américaines ont saisies de la drogue d’une valeur de 15$ millions, sur des bateaux naviguant dans le Golfe Persique. Les autorités américaines ont affirmé que 7 des 45 membres de l’équipage avaient des liens avec Al-Qaeda et que l’organisation trafiquait de la drogue dans le but de financer ses opérations. (Richardson, 2004) Un agent dont la tâche est d’enquêter sur des particuliers et des situations criminelles au port de Montréal, souligne le lien existant entre le terrorisme et d’autres priorités du gouvernement, et explique la stratégie privilégiée par les services de renseignement dans le but de rendre le milieu plus sûr : « À un moment donné, la lutte contre la drogue a été la priorité des forces policières. Maintenant, c’est le terrorisme. Mais le trafic de stupéfiants se poursuit. L’année dernière, c’était le crime organisé. Mais l’un amène l’autre, l’un sert à l’autre, par conséquent, c’est ce que nous faisons. (…) Nous devons savoir qui ils sont. Nous devons les connaître mieux. (…) nous serons mieux équipés pour aider les enquêteurs des services de lutte antidrogue, de la contrefaçon, de la contrebande ou même du terrorisme.» (Comité spécial, 2001) |
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2002-2014, ERTA ![]() |