![]() |
||
L'affaire Ahmed Ressam : parcours d'un terroriste |
||
Débuts
en Algérie |
||
1967 |
||
Environnement
familial Le style de vie des Ressam, comme c'était le cas de beaucoup d'autres Algériens, reflétait le mélange de tradition musulmane et de culture européenne et française. L'islam, sans cesse une obligation dans la maison familiale, était présent. Belkacem Ressam priait cinq fois par jour et il fréquentait aussi la mosquée les vendredis soirs. Il demanda à ses cinq fils de le suivre mais ils demeurèrent dans l'ensemble peu pratiquants. La mère, Benoir Malika, et les deux soeurs portaient le hijab à l'extérieur de la maison. Par contre, à l'intérieur, elles étaient vêtues à l'occidentale. Selon son frère Kamel, Ahmed Ressam fut le premier de la famille à avoir bénéficié d'une éducation « moderne » ( Newsweek, 8 mai 2000). Ahmed Ressam est décrit comme un garçon fin, au regard noisette perçant et aux cheveux bruns. Il était vif et aimait jouer au soccer dans les rues voisines ou aller à la pêche. C'était un lycéen au parcours plutôt modeste mais Belkacem Ressam espérait que son fils continue des études après le lycée, ce qui lui permettrait de bénéficier d'une bonne éducation et d'intégrer la classe moyenne algérienne. |
||
1984 Alors qu'il avait 16 ans, son père envoya Ahmed à Paris pour y être soigné. Sur place, les médecins diagnostiquèrent un ulcère et l'opérèrent. Il dut rester à Paris seul, en convalescence, dans la capitale française. Selon différentes sources, Ressam lut, en France, des livres - interdits en Algérie - sur la façon dont les militaires, qui avaient pris le pouvoir après l'indépendance du pays, dirigeaient le pays, sur leur corruption et sur le manque de démocratie du nouveau pays. À son retour, selon son frère, Ressam fut très amer à ce sujet et au sujet de son pays (Bernton et coll., 2002, chap. 2). |
||
Retour
en Algérie |
||
1988 La situation économique en Algérie, dans les années 80, se dégradait et le gouvernement faisait de plus en plus de mécontents en raison de ses piètres résultats économiques et sociaux. Le régime en place, inspiré par le modèle soviétique et chapeauté par le parti unique, le Front de libération nationale (FLN), qui revendiquait sa légitimité pour avoir conduit la guerre d'Indépendance contre la France de 1954 à 1962, interdisait néanmoins l'expression de toute opposition. Parallèlement, les forces islamistes gagnaient de l'influence en Algérie, comme dans d'autres pays musulmans. Olivier Roy parle de « la réislamisation conservatrice » (2002 : 45).
Par ailleurs, pour contrer cette influence radicale, notamment iranienne après 1979, de nombreux États ont accepté de réislamiser le droit. Ainsi, l'article 2 de la Constitution égyptienne de 1972 précise que la charia est la principale source de droit ; le Soudan promulgue en 1983 un Code pénal islamique. Autre exemple, le Code algérien de 1984 réintroduit la charia dans le statut personnel (Roy, 2002 : 46-47). À partir 1995, les États essayèrent cependant de reprendre en main les réseaux religieux. Selon Keppel, ce sont les mouvements de réislamisation qui ont connu, en 1990, le plus grand potentiel de développement. (Keppel, 2003 [1991] : 261). À Bou Ismail, mais aussi dans d'autres villages, les mosquées étaient devenues un terrain de recrutement pour les islamistes (Selon Antoine Sfeir (2001 : 10) : « L'islamisme est un concept purement français pour désigner les intégristes musulmans, ceux que les Anglo-Saxons appellent les fondamentalistes. » C'est dans ce sens que nous l'emploierons). Ils proposaient aux jeunes hommes de participer au djihad, à la guerre sainte, menée pour aider leurs frères afghans musulmans contre l'envahisseur soviétique. Pour être un bon musulman, il fallait combattre les infidèles. Des centaines d'Algériens, comme tant d'autres musulmans du monde entier, répondirent à cet appel et partirent en Afghanistan aider leurs frères afghans à combattre les troupes soviétiques. Après la guerre en Afghanistan, une partie de ces combattants revinrent en Algérie. D'autres, désabusés ou blasés, s'installèrent principalement en Europe de l'Ouest ou en Europe centrale et réussirent leur réinsertion dans la vie civile (Sfeir, 2001). Ceux qui étaient revenus en Algérie étaient surnommés « les Afghans ». Ils voulaient faire évoluer le gouvernement et extirper les racines communistes de son idéologie.
Plusieurs manifestations eurent lieu contre le gouvernement algérien, formées notamment par des individus qui étaient venus à l'âge adulte sans avoir jamais connu d'autres régimes que celui qu'ils voulaient combattre. Elles s'inscrivent dans le contexte d'une dégradation de l'économie du pays. En 1986, le retournement du marché pétrolier fragilisa le régime. Jusque là, les hydrocarbures représentaient plus de 95 % de la valeur des exportations et assuraient plus de 60 % des recettes budgétaires (Keppel, 2003 : 255). Les revenus du pétrole avaient permis au régime, qui en accaparait les bénéfices, de se maintenir en place et d'acheter la paix sociale en subventionnant les biens de consommation importés. Mais en 1986, la baisse des hydrocarbures fissura cet édifice en entraînant une baisse de la moitié du budget de l'État. À cela s'ajouta l'explosion démographique qui suscitait des besoins nouveaux (logements, écoles, débouchés professionnels). C'est dans ce contexte que, au soir du 4 octobre 1988, des émeutes éclatèrent et des jeunes gens s'en prirent violemment aux symboles du pouvoir et de l'État. Plus de 500 d'entre eux furent tués par les forces de l'ordre et les militaires. Le Front islamique du salut (FIS) (dont la naissance fut officiellement proclamée le 10 mars 1989) émergea comme une force politique nouvelle (même si les racines de l'islamisme étaient anciennes en Algérie), inspirée par une vision radicale de l'islam. Ses leaders souhaitaient que le pays suive la loi islamique, la charia. Les discours islamistes recevaient un écho favorable auprès de nombreuses couches du pays mais surtout les plus pauvres. « C'était le langage de l'époque - simple, démagogique et puissant », se souvient Omar Belhouchet, directeur du journal indépendant El Watan. Deux tendances s'opposaient au sein du FIS. Les « algérianistes » de la Djazairia, courant nationaliste, conduit par Abassi Madani et les Salafis, emmenés par Ali Benhadj. Ceux-ci prêchaient le retour du califat, se montraient totalement opposés à un État qui ne serait pas islamique et ils étaient inspirés par la doctrine des Frères Musulmans égyptiens et par les théories de Sayyed al Kotb. C'est dans leur rang que l'on retrouvait les « Afghans » (Sfeir , 2004 : 120 ; voir aussi Sfeir, 2002). Si beaucoup de jeunes gens répondirent à cet appel, Ahmed Ressam continua à travailler dans le café de son père. Il se tenait assez loin des remous politiques qui secouaient le pays. « Nous disions, 'Ahmed, apporte nous une limonade', dit All Rakeche, un enseignant qui fréquentait le café. Il était très timide et n'aurait pas fait de mal à une mouche. » Ressam et ses amis ne fréquentaient pas non plus la mosquée. Ils portaient tous des jeans de marque et fréquentaient les discothèques (Sageman, 2005). Un autre des amis de Ressam, Morad Cherani, a aussi précisé que leur petit groupe fumait du hashsih, buvait du vin et fréquentait un nigth-club avec un billard, le Materez. Un ami de la famille, Yousif Boualem se souvient : « Ahmed aimait choisir lui même ses vêtements et recherchait la compagnie des femmes. Il n'avait rien à faire avec l'islam. C'était un beau jeune homme. Il était cool et n'avait pas de problème pour trouver des jeunes filles. Pas des femmes des rues, mais de jeunes filles charmantes. » (Bernton et coll., 2002). |
||
1990-1991
À Bou Ismaïl, ils chassèrent l'imam de la mosquée, Mohammed Tazroot, et menacèrent de le tuer s'il revenait. « Ils m'ont banni de la mosquée et ont prêché une religion de la haine qui n'avait rien à voir avec le vrai islam », dit Tazroot. « Ils disaient que toute personne qui ne les suivait pas était contre Allah. » (Bernton et coll., 2002 : chap. 2). Une période de tension commença avec le pouvoir en place. En mai 1991, des sit-in sont organisés sur une des plus grandes places d'Alger que le pouvoir est obligé de laisser aux mains du FIS. L'état major militaire décide alors d'intervenir directement pour empêcher que ces manifestations ne tournent à l'insurrection. Le 3 juin 1991, l'état de siège est proclamé et des chars dispersent les manifestants. Les militaires nomment un nouveau Premier ministre, Sid Ahmed Ghozali, qui annonce le report des élections. Celles-ci ont finalement lieu en décembre 1991 (Keppel, 2003). Le FIS arriva largement en tête avec 47 % des voix et 178 députés contre 16 au FLN. Les projections pour le second tour donnaient une majorité absolue au FIS. |
||
1992 Belkacem Ressam n'aimait pas les militants du FIS et leurs méthodes. Pour lui, c'était des terroristes. Quant à ses fils et à leurs amis, ils se trouvèrent devant un choix : soit l'armée algérienne, soit les islamistes. « Ahmed voulait partir. Il voulait trouver la liberté hors du pays. », se souvint Belkacem Ressam. Ahmed Ressam dit à des amis qu'il allait retourner en France pour y trouver un emploi. |
||
2002-2014, ERTA ![]() |