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Sécurité des frontières : voies maritimes et ports internationaux | ||||||
Catégories de mesures de sécurité aux ports maritimes (exemple du port de Montréal) | ||||||
En réponse aux attaques du 9/11, l'Organisation Maritime Internationale (OMI), agence spécialisée de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et qui réunit 166 pays à travers le globe, mettait en place le Code ISPS, soit le code international de sécurité maritime et portuaire pour la protection des bateaux et des installations portuaires, qui consiste un ensemble de mesures visant le renforcement de la sécurité des navires et des infrastructures portuaires. Le but de cette initiative est le suivant :
Parmi ces mesures, mentionnons un plus grand contrôle d'accès aux quais et aux navires ainsi qu'un système de surveillance et de contrôle des conteneurs. En plus d'adhérer à ce code international, le Canada et les États-Unis, respectivement par l'intermédiaire de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis (SDPF), ont signé la Déclaration sur la frontière intelligente, qui s'articule autour de ces quatre principaux axes : la circulation sécuritaire des personnes, la circulation sécuritaire des biens, la sécurité des infrastructures et finalement, la coordination et la mise en commun de l'information dans l'atteinte de ces objectifs. Bref, il s'agit pour les deux gouvernements d'unir leurs efforts en vue de protéger la frontière des terroristes et des trafiquants de produits illicites, tout en facilitant la libre circulation des personnes et des biens légitimes. |
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L’arsenal de nouvelles initiatives sécuritaires visant le domaine du transport maritime étant étoffé et complexe, il va de soi que la liste suivante ne se veut pas exhaustive quant à la sécurité des ports maritimes. La prochaine section est consacrée aux moyens de contrôle au port de Montréal, bien que les autorités de plusieurs autres ports internationaux prirent relativement les mêmes initiatives quant à la sûreté de leurs infrastructures. Les informations suivantes proviennent majoritairement d’entretiens menés auprès d’ acteurs importants au niveau du port de Montréal ou du transport maritime de façon plus générale. À titre de rappel, ces données sont issues d’un projet de mémoire de maîtrise portant sur le trafic illicite par voies maritimes. Suite à l’analyse de ces entrevues, nous avons établi quatre catégories principales de mesure de sûreté visant la protection du port montréalais. Il s’agit de la surveillance et l’aménagement des terminaux, du renseignement, du contrôle de la marchandise et de celui des individus. (En ce qui concerne les ententes entre Canada et États-Unis concernant la protection de la frontière, se référer à la section Chronologie et aux liens qui y sont rattachés.) 1. Surveillance et aménagement des terminaux Système de caméra
Un système de caméra de surveillance composé approximativement d’une cinquantaine de caméras est installé sur tout le territoire du port de Montréal. Les caméras peuvent filmer à angle large (wide angle), ce qui donne un aperçu général d’un terminal sur le port de Montréal. Les agents de sécurité et de la GRC peuvent aussi avoir accès au système de caméra, de par la salle de contrôle située dans les bureaux du département de la sécurité et des incendies (voir photo), et faire en sorte de cibler un objet ou une situation, en les zoomant de très près. Un représentant des deux plus grands terminaux à conteneur du port de Montréal, soit Cast et Racine, explique la technologie de pointe qui caractérise le système de caméra
Un vérificateur au port souligne cependant une difficulté de ce système, soit que lorsque la caméra pointe vers un secteur du port précis, il n’est alors pas possible de voir ce qui se passe de l’autre côté, dont voici un exemple : « (…) à un moment donné j'ai des gars qui s'étaient fait grafignié une auto, y’ont demandé de vérifier, mais la caméra pointait pas là à ce moment là. Ça sert à quoi, tu peux pas avoir des caméras qui voient tout le temps partout, c'est impossible.» |
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Éclairage, propreté et clôtures Un responsable de la sécurité au port de Montréal explique les mesures relevant de la prévention situationnelle qu’il s’est empressé d’introduire lors de son entrée en poste, en 2001. La citation suivante résume mieux que l’on ne pourrait nous-même le faire les initiatives prises quant à l’aménagement des terminaux :
Contrôle d’accès Un débardeur interviewé mentionne que l’ensemble des travailleurs portuaires ont dernièrement eu une carte d’accès, avec leur photo, leur nom, et munie d’une puce permettant l’ouverture de la barrière. Il ajoute que dans le futur les autorités du port sont supposées installer des tourniquets aux entrées, pour faire en sorte qu’une seule personne puisse passer à la fois, ainsi que se doter de mesures biométriques permettant de s’assurer de l’identité de l’individu, probablement au niveau des empreintes digitales. Le responsable de la sécurité mentionne qu’ils ont émis environ 7000 cartes de personnes autorisées à entrer dans le port, soit pour environ 500 policiers, 300 douaniers, le reste étant composé de toutes sortes de travailleurs : les camionneurs, les vendeurs et les gens qui vont chercher les vidanges sur les navires, les débardeurs, les vérificateurs, le personnel administratif, etc. Il ajoute que toutes les fois où une personne entre sur les terminaux, que cela soit avec une carte du port ou avec un accès de visiteur, toutes ces informations sont enregistrées : « (…) tout laisse des traces maintenant, à l'époque ça se faisait pas. Avant quelqu’un pouvait venir, dire salut au gardien, rentrer pis personne savait qu'il était venu. » Agence de sécurité Des patrouilleurs sont attitrés à la surveillance des terminaux. C’est une compagnie privée de sécurité (GARDA) qui fournit la main d’œuvre de gardiens, mais ils sont formés, entraînés et habillés par l’autorité responsable de la sécurité au port de Montréal. Ils ne sont pas armés et n’ont aucun pouvoir d’arrestation. Services de police Le service de police de la ville de Montréal (SPVM), avec les postes de quartier en périphérie du territoire du port de Montréal, a juridiction sur le port en cas d’incidents et de petite criminalité. Lorsqu’il s’agit d’un problème plus majeur, c’est la police fédérale, la Gendarmerie royale du Canada (GRC), et/ou la police de niveau provincial, la Sûreté du Québec (SQ), qui interviennent. 2. Renseignement Ciblage de conteneurs Le service de douane au port de Montréal est responsable de deux volets : l’inspection et le ciblage de conteneurs. En ce qui concerne les cibleurs, ils se servent des informations contenues sur le manifeste (déclaration du client) et sélectionnent des conteneurs grâce à un système informatique et à leur expérience personnelle. Ces conteneurs seront sélectionnés afin de passer un premier scan directement sur les terminaux, et si ce n’est pas suffisant, les boîtes sont envoyés au centre d’examen des conteneurs et il y aura examen complet. Les critères de ciblage sont, à titre d’exemples, le pays de provenance du conteneur, le type de marchandise déclarée ou s’il s’agit d’un nouveau client. Dans le cadre de la CSI (Container Secuity Initiative), soit une initiative lancée par le gouvernement américain, des agents de douanes américains sont postés dans trois ports canadiens (Montréal, Halifax et Vancouver) dans le but de procéder au ciblage conjoint, avec leurs homologues canadiens, de conteneurs à risque avant qu’il ne soient chargés en direction des États-Unis. En revanche, des douaniers canadiens sont aussi affectés dans les principaux ports américains (Seattle et Newark). Cette même entente a lieu entre les États-Unis et les autorités de 23 ports, tels que ceux du Pays-bas, la Belgique, l’Italie, la Chine, Allemagne et Singapour. L’Équipe nationale des enquêtes portuaires, sous l’initiative de la Gendarmerie Royale du Canada, a grosso-modo comme mandat d’enquêter sur le crime organisé et la menace de terrorisme dans les ports maritimes canadiens. L’Énep a mis sur pied au port de Montréal un comité de travail composé de représentants de tous les services présents sur le port, soit le SPVM, la SQ, la GRC, l’agence privée de sécurité, les agents de douanes et d’immigration, etc. Le but de cette initiative est que tous les spécialistes viennent qu’à échanger l’information dans le but d’avoir une vision globale de la situation criminogène du port montréalais. Selon
l’agent de la GRC ayant témoigné pour le Comité spécial (2001), il semble qu’un modèle de coopération semblable ait été récemment appliqué aux ports de Vancouver et d’Halifax. Cela permet aux responsables de ces trois ports internationaux canadiens de se rencontrer, dans le but de faire des liens et des comparaisons entre les activités criminelles relevant du secteur maritime et portuaire. Il ajoute que la GRC a reçu plusieurs demandes de la part de leurs partenaires américains, qui ont manifesté la volonté de créer des groupes opérationnels basés sur le modèle canadien. Un agent de la GRC mentionne les différentes sources auxquelles les enquêteurs ont accès pour recueillir des informations sur les activités criminelles au port. Il y a le délateur, soit une personne qui a été accusée et qui décide de témoigner contre ses anciens complices, et qui est gérée par Justice Canada. Il y a la source, soit une personne qui appelle, comme par exemple à Info-Crime, pour dénoncer une personne ou une situation. Il y a aussi l’ agent-source, soit un quelqu’un impliqué dans un crime et qui désire témoigner ; la GRC va alors signer une entente avec cet individu, qui peut ensuite commettre des actes criminels parce qu’il est suivi par la police. La GRC devient alors responsable de sa sécurité. L’interviewé explique que les enquêteurs de la GRC font du travail de renseignement, soit du développement de sources, c’est-à-dire qu’ils vont cibler des personnes au port et ils vont faire beaucoup de travail sur elles. Parfois ces individus vont parler avec les autorités tout en continuant des faire des affaires avec des organisations criminelles. Il est alors possible pour les agents de renseignement de recueillir des informations sur des actes de trafic de substances illicites, d’intimidation ou autre activités douteuses se passant sur les quais. 3. Conteneurs (technologies) - Contrôle de la marchandise La liste des équipements permettant le contrôle des marchandises conteneurisées est longue et en constante évolution, pour plus d’information se référer au site de l'ASFC. Les technologies suivantes constituent quelques inventions majeures en lien avec le contrôle de matières dangereuses, tels que des armes ou du matériel radiologique. Vacis mobile + camion Les appareils Vacis (Système d'inspection des véhicules et du fret), permettent de discerner la nature de la marchandise se trouvant à l’intérieur des conteneurs et ainsi comparer avec la déclaration offerte par le client (exportateur/importateur). Les opérateurs, à l'aide du balayage à rayons gamma, voient s'afficher à l'écran de leur ordinateur des images radiographiques des chargements de conteneurs maritimes de sorte qu'ils peuvent en déceler rapidement etfacilement les compartiments cachés associés au transport de produits volés ou illégaux. (ASFC) Cela permet aux agents de douane de détecter la présence de marchandise de contrebande, des armes ou tout autre matériel dangereux. |
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Détecteur de radioactivité Le gérant de deux terminaux au port de Montréal explique le processus permettant la détection de radioactivité au sein des conteneurs :
Selon le site de l’ASFC, les équipements de détection des radiations présents dans les ports maritimes sont mobiles et sont montés sur le toit d’un véhicule, dont le but est de « vérifier la présence possible de sources de matériaux radioactifs illicites comme des bombes sales ou des armes nucléaires .» Sceau Chaque conteneur est fermé avec ce qu'on appelle un plomb, communément appelé « seal » (sceau), fait de plastique ou de métal. Ce dernier doit être intact lorsque le conteneur arrive à destination afin de |
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De plus, mentionnons brièvement quelques autres technologies de contrôle des marchandises propres à l’Agence de services frontaliers du Canada dans les ports maritimes : - Le Centre d’examen des conteneurs (CEC), muni d’équipements de pointe en matière d’inspection, où les conteneurs ciblés sont envoyés pour être déchargés et fouillés de fond en comble. - Des appareils mobiles servant à détecter des quantités minimes de drogue et de résidus d’explosifs (ionscan).
- Des caméras submersibles permettant l’inspection des bateaux et des conteneurs, ainsi que le ROV (Remote Operated Vehicle), soit un genre de mini sous-marin dont le but est de déceler la présence de produits illicites sous la coque d’un navire. |
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4. Embauche et déploiement des travail leurs maritimes – Contrôle des individus Antécédents criminels Voici les propos d’un représentant de l’Association des Employeurs maritimes, soit l’agence responsable de l’embauche des travailleurs maritimes :
On voit qu’un effort est fait de la part des autorités portuaires et des gouvernements dans le but de contrôler les critères d’embauche des travailleurs maritimes. De plus, comme plusieurs de nos sujets l’ont indiqué, le système d’embauche au port montréalais fonctionne par références, de sorte qu’un débardeur ou un vérificateur soumet le nom de personnes qu’il connait à son syndicat, qui remet à son tour la liste des candidats à l’AEM. Celle-ci choisit donc les postulants parmi ceux référés par les syndicats respectifs des travailleurs maritimes, soit le syndicat canadien de la fonction publique (SCFP 375) pour les débardeurs et l’International Longshoreman Association (ILA) du côté des vérificateurs. Dans le même ordre d’idée, certains interviewés affirment que ce système basé sur les références entretient la présence d’éléments criminels au sein de la main d’œuvre. D’après un policier de la SQ spécialisé au niveau du crime organisé au port de Montréal, si des individus entretenant des liens avec des organisations criminelles ont été en mesure de faire partie intégrante de la main d’œuvre sur les quais, c’est en grande partie grâce à ce système de fonctionnement. Il
est cependant important de noter que l’ensemble des interviewés ayant abordé le sujet ont indiqué que le système de parrainage a évolué ces dernières années, de sorte que la provenance de la main d’œuvre aujourd’hui est partagée entre les candidats fournis par les syndicats et ceux de la «liste au comptoir». En effet, à cause des problèmes que le système de référence a causé au niveau de l’atteinte aux droits de la personne, le port montréalais a dû ouvrir ses portes à un plus large éventail d’individus, notamment aux femmes et aux minorités visibles, soutiennent un débardeur et un vérificateur interrogés. Cette nouvelle obligation a aussitôt
fait de susciter chez les syndicats de travailleurs une vive opposition, car c’est un droit auquel ils tiennent « mordicus », pour reprendre les propos d’un policier. Les agents représentant la SQ et la GRC s’entendent pour dire qu’introduire des employés non référés par le syndicat au sein des terminaux a des conséquences positives, en ce sens que cela rend les groupes de travail moins hermétiques et moins susceptibles d’être infiltrés par des individus mal intentionnés. Les représentants de l’AEM affirment que les travailleurs doivent téléphoner à une centrale d'appels entre 6h et minuit chaque soir pour savoir à quel endroit ils travaillent le lendemain. Ils seront donc affectés selon les besoins en main d'œuvre des compagnies maritimes. Ces dernières téléphonent avant 15h30 pour passer leurs commandes de personnel pour le travail de débardage, qui à titre de rappel, constitue principalement le chargement et le déchargement de navire. Le représentant de la compagnie fait alors part de ses besoins en termes de main d’œuvre selon des qualifications, par exemple s’il a besoin de tant d'opérateurs de grues, tant de vérificateurs, etc. Comme la
majorité des travailleurs ne sont pas en mesure de savoir sur quel terminal et sur quel quart de chiffre ils seront affectés le lendemain, cela diminue les opportunités de copinage et de planification d’actes criminelles requérant la collaboration de plusieurs employés spécifiques.
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2002-2008, ERTA
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