Les Doukhobors - « Lutteurs de l'esprit »  
     
 

Structure et organisation des Sons of Freedom

Nombre de personnes engagées dans des actes terroristes

Des dissensions avaient divisé la communauté depuis l’installation des Doukhobors au Canada (voir première partie). La communauté se composait de trois groupes : les Orthodoxes, les Indépendants et les Sons of Freedom, ces derniers ayant été fondés en 1902. Les Sons of Freedom étaient animés d’un zèle religieux millénariste (Torrance, 1986 ; Woodcok et Akumovic, 1977). Leurs protestations commencèrent au début des années 1920 avec la destruction des écoles accessibles aux enfants Doukhobors (Torrance, 1986). Ils furent les seuls à être engagés dans les actes de violence, dénommés « black work », et si les deux autres groupes y furent aussi impliqués ce fut plutôt comme victimes de ce terrorisme (Woodcock et Avakumovic, 1968 : 311, 325 – 326). D’ailleurs, en 1947, les Sons of Freedom, en raison de leur violence ou du soutien apporté à ces actes, furent officiellement expulsés de l’Union of Spiritual Communities of Christ (Doukhobors Orthodoxes).

Cependant il faut relever qu’au sein même des Sons of Freedom, seule une minorité d’individus s’engagèrent dans le « black work ». L’ancien Attorney General Robert Bonner (cité par Woodcok et Avakumovic, 1968, p.333) a relevé que leur nombre n’excéda pas plus de 800 personnes, c’est à dire moins d’un tiers des 2 500 personnes s’identifiant comme Sons of Freedom et un vingtième de l’ensemble des Doukhobors au Canada.

Le nombre réel de terroristes effectivement engagés dans l’action violente et qui s’attaquèrent directement à la propriété publique et aux autres Doukhobors, n’était probablement pas supérieur à 200 (Woodcok et Avakumovic 1968 , p.333). Les autres Sons of Freedom marquèrent principalement leur désapprobation et protestèrent par l’organisation de grandes parades de nudité où ils défilaient dans les rues des villes entièrement nus. Ils détruisirent aussi leurs biens personnels - machines, maisons, fermes (Tarasof, 1982, p. 136).

L’organisation

S’ils rejetaient le monde extérieur matériel, les Sons of Freedom en vinrent aussi à s’interroger sur les motifs de leurs leaders suspectés de ne pas suivre les vrais enseignements du Doukhoborisme. S’ils ne refusaient pas ouvertement l’autorité de leurs leaders, « Peter the Lordly » et, ultérieurement, celle de Peter Chistiakov, ils n’acceptaient pas non plus facilement leur propre gouvernement théocratique. Ainsi, pendant de longues périodes, ils n’eurent pas de leaders propres ni d’organisation formelle (Woodcok et Avakumovic, 1977, p.310). Ce point les différencie de la plupart des autres groupes relevant du terrorisme dit religieux qui, selon Ranstorp (1999), sont généralement très hiérarchisés et organisés.

Ils furent, à quelques reprises, conduits par des leaders, comme John Lebedoff, Stephan Sorokin ou Louis Popoff. Ce dernier s’était auto proclamé « Tsar du Paradis » et paradait parfois dans une robe blanche avec une couronne d’oranges sur la tête (Yerbury et Griffiths et coll., 1991, p. 338). Mais Popoff ne fut jamais réellement accepté comme leader officiel ; il semblait être plutôt un porte-parole. Il fut arrêté en 1944 (il avait été arrêté pour être apparu à Nelson vêtu uniquement d’une couronne d’oranges; Yerbury et Griffiths et coll., 1991, p.399) et mourut mystérieusement en prison peu de temps après (Woodcok et Avakumovic, 1977, p.323). Sorokin fut sans doute le seul qui parvînt provisoirement à unifier les Sons of Freedom, pendant la décade qui suivit la Seconde Guerre Mondiale, et il les réunit sous le nom de « Christian Community and Brotherhood of Reformed Doukhobors ». Ils demeurèrent relativement passifs mais les plus radicaux se tournèrent vers John Lebedoff (Yerbury et Griffiths et coll., 1991, p.339).

Cependant, selon Woodcok et Avakumovic (1968, p. 327 – 328) et Yerbury et Griffiths (1991), il n’y eut pas de groupe constitué ni de conspiration organisée dans les rangs des Sons of Freedom, en vue de commettre des actes de terrorisme (pour un avis contraire, voir Holt, 1964), et ils agissaient généralement d’une façon spontanée, erratique et leurs activités n’étaient pas coordonnées par leurs leaders.

En 1962, 69 Sons of Freedom furent arrêtés et accusés de conspiration en vue de commettre, du 1er avril 1955 au 22 mars 1962, des violences pour intimider le Parlement du Canada et le parlement de Colombie Britannique, et des incendies et des attentats à la bombe (Holt, 1964 p. 250). Au cours du procès qui dura 38 jours, 98 témoins vinrent témoigner et près de 500 documents furent produits par la Couronne. Celle-ci avait axé une partie de sa preuve sur les confessions de deux Sons of Freedom qui impliquaient le Conseil de la Fraternité (Yerbury et Griffiths et coll., p.341). Mais ces confessions furent retirées car elles auraient été obtenues sous la contrainte. Au terme de ce procès, certains conclurent que « the grand conspiracy fantasy of prosecution and provincial government was dismissed in August 1962. This fiasco cost an estimated $ 100 000 » (Yerbury et Griffiths et coll., 1991, p.339).

 
     
 
 
   
2002-2008, ERTA