Fonctions connexes des activités de financement

 
     
  Partie 3: Le financement d'actes terroristes: des stratégies complémentaires  
     
 

En matière de financement d'actes terroristes il importe de tenir compte autant des actions individuelles que des actions développées par le groupe. Ainsi, plusieurs activités menées par les membres du groupes peuvent être complémentaires alors que d'autres témoignent de conflit d'intérêts personnels avec ceux du groupe. Néanmoins, qu'il s'agisse de mener à bien des activités relatives à la consolidation de l'identité du groupe, des actions communautaires ou économiques ou encore de mettre sur pied des institutions scolaires, les membres d'une organisation terroriste tentent généralement de réaffirmer symboliquemebnt leur soutien à la cause tout en faisant la démonstration que leurs aspirations personnelles coïncident avec les convictions religieuses du groupe.

Dans cet ordre d'idées, un certain nombre d'activités conventionnelles peuvent servir à des stratégies teroristes :

3.1 Écoles ethniques/culturelles

Certaines diasporas suffisamment importantes et organisées sont en mesure de fonder des écoles pour les enfants de leur groupe élargi et, ainsi, de leur enseigner la langue, les coutumes, les us et les traditions du peuple dont ils sont issus. Le cas échéant, ces écoles favorisent l'embauche de membres de la communauté.

3.2 Les activités communautaires qui ciblent une ethnie spécifique

Des manifestations, des réunions visant la collectivité sont organisées sur une base ponctuelle et régulière. Au cours de ces rassemblements, des leaders prononcent des discours et des stands d'information s'assurent que le message politique rejoint le public, au besoin en procédant à la vente de souvenirs aux couleurs de l'organisation chapeautant l'événement.

3.3 Les complexes religieux ou les mosquées

L'appartenance des membres à une même religion facilite la réunion, la communion, la consécration des idéaux communs et des moyens à adopter pour y parvenir. Des collectes de fonds s'organisent sur la base de rites religieux. Les sommes recueillies sont destinées aux soins des malades et aux oeuvres de bienfaisance portant secours aux moins nantis.

3.4 Des entreprises légales diverses sont mises sur pied

Des compagnies diverses constituent des relais efficaces pour faire transiter des fonds de diverses provenances et pour masquer leur destination aux autorités du pays d'accueil (Kinsella, 1992; Kennedy, 2002; François, Chaigneau et Chesnay, 2002; Bell, 2004).

3.5 Certaines banques ou des systèmes informels de transfert de fonds: des partenaires

Des banques ou des systèmes informels de transfert de fonds constituent un moyen efficace de distribuer de l'argent à des individus ou à des familles, au Canada ou dans le pays d'origine. En l'absence d'une trace de papier, les autorités ne sont pas en mesure de préciser le parcours emprunté par les fonds et encore moins de réussir à identifier les destinataires (Jost et Sandhu, 2000; Kundz, n.d.; Buencamino et Gorbunov, 2002; El-Qorchi, 2002; Looney, 2002).

 
 
 
 

Partie 4: Les stratégies de financement d'actes terroristes sont liées au contexte de la zone d'activités secondaires

Les activités de financement d'un groupe terroriste dans un pays d'accueil servent différentes finalités en lien avec la logique opérationnelle du groupe. Ainsi, pour un membre d'un groupe terroriste, outre la possibilité de participer à la cueillette de fonds en vue de commettre des actes terroristes, vivre dans un pays d'accueil peut servir diverses fonctions complémentaires :

4.1 Fonction de légitimation

En participant à la vie politique, sociale, culturelle, économique du pays d'accueil, les membres d'un groupe terroriste sont en mesure de capitaliser sur le poids politique qu'ils représentent. Ils peuvent ainsi établir des alliances avec des politiciens désireux d'obtenir des votes supplémentaires. Le résultat pour les groupes terroristes, c'est de réussir à légitimer leurs actions en soulignant qu'ils ont l'appui de politiciens au niveau local et national (Bell, 2004).

4.2 Fonctions stratégiques

  • Fonctions opérationnelles et stratégiques: Les activités légales du groupe terroriste permettent à un membre du groupe d'attendre le moment stratégique d'agir, d'être à proximité des États-Unis et de se déplacer rapidement si nécessaire. Elles permettent aussi de planifier des événements à venir.
  • Fonctions liées à l'acquisition de connaissances: Acquérir des compétences particulières, comme la connaissance de la langue et faire l'apprentissage de technologiques de pointe fait partie des activités que des groupes terroristes estiment utiles de poursuivre lorsqu'il sont à l'étranger. En outre, acquérir des connaissances sur la culture et les coutumes du pays d'accueil peut paraître une étape nécessaire dans la réalisation de certains actes terroristes.

4.3 Fonctions juridiques : organiser la défense des l'inculpés

Certains groupes terroristes sont en mesure d'organiser efficacement la défense d'un des membres du groupe faisant l'objet d'une poursuite pénale ou risquant la déportation du pays d'accueil vers son pays d'origine. En mobilisant, par exemple, l'élite judiciaire américaine (le cas Suresh), des groupes de pression dans le pays d'accueil et sur la scène internationale, l'opinion publique peut espérer influencer les autorités politiques pour libérer l'inculpé, mettre fin aux procédures d'expulsion ou encore réussir à obtenir que les mises en accusation soient abandonnées. Nous envisageons ces différentes possibilités en les illustrant par des exemples divers :

  • l'inculpé dispose d'un alibi: Certains membres présumés de groupes terroristes qui seraient soupçonnés par les autorités de participer à des activités de financement d'actes terroristes pourraient, le cas échéant, être en mesure de disposer d'alibis crédibles, lorsque confrontés à des accusations de participer à des activités de financement d'actes terroristes.

Ainsi, dans le cas d'une accusation en lien avec des activités de financement d'actes terroristes, les inculpés peuvent prétendre que les sommes d'argent dont ils disposent et qui transitent du Canada vers l'étranger ont une cause légitime et qu'elles s'inscrivent dans un cadre légal, tel que mentionné auparavant.

  • l'infracteur présumé peut présenter des preuves de sa bonne réputation: en invoquant, par exemple, son implication à titre d'enseignant ou de directeur dans un établissement scolaire fondé par la communauté à laquelle il appartient, le terroriste présumé peut tenter de faire la démonstration de sa bonne conduite aux autorités de contrôle.

C'est notamment le cas de Mahmoud Jaballah soupçonné par les autorités canadiennes de faire partie de l'organisation terroriste Egyptian Islamic. Quant à M. Jaballah, il a nié, par l'intermédiaire de son avocat, avoir eu des liens avec le terrorisme. De fait, il souligne son implication dans le milieu scolaire: "He helped administer and teach at Salaheddin Islamic School in Toronto and later co-founded Um al-Qura Islamic school in Toronto" (Mark Heinzl et Elena Cherney and Staff reporters, 27 décembre 2001,The Wall Street Journal).

Par ailleurs, M. Shebab, un iman qui connaissait un peu M. Jaballah, a aussi été associé aux activités de l'école islamiste où M. Jaballlah enseignait.(David S. Cloud et Mark Heinzl, 28 septembre 2001, The Wall Street Journal). M. Shebab a été invité à participer aux activités de l'école alors que sa résidence avait fait l'objet d'une perquisition par la GRC en lien avec l'enquête menée sur Nabil-al-Marabh, un associé présumé du groupe de M. bin Laden et après l'arrestation de M. Jaballah.

  • la communauté vivant en sol canadien peut être mobilisée rapidement et efficacement (Bell, 2004) pour manifester son opposition à la décision des autorités d'inculper un des leurs (voir sur ce site le cas Suresh).
  • mobiliser des acteurs au niveau international: en effet, le conflit opposant l'accusé aux autorités canadiennes peut rapidement prendre une tournure internationale et se déplacer sur l'échiquier mondial étant donné que d'autres diasporas réagissent publiquement à l'arrestation d'un des leurs. Dans certains cas, des groupes de pression à l'étranger se joignent à la communauté vivant dans le pays d'accueil pour dénoncer les conditions de détention, l'arrestation abusive, le non respect des droits et libertés individuelles.
 
     
 
 
     
   
 
2002-2014, ERTA