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Le cas Manickavasagam Suresh |
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Introduction
Dans le cadre d'une réflexion amorcée précédemment, nous avions convenu d'aborder la question du financement d'activités terroristes en tenant compte de la possibilité que les sources soient aussi bien légales que illégales (Kersten, 2002; Service d'information du département d'État des États-Unis). C'est dans un tel contexte que l'étude du cas de Manickavasagam Suresh apparaît constituer une piste de recherche propice à mettre en exergue certaines facettes méconnues des interactions du politique, du judiciaire, du social et du culturel (Kinsella, 1992; Bell, 2004). En effet, alors que le Canada tente de se positionner sur l'échiquier mondial en matière de lutte contre le terrorisme en adoptant des procédures légales visant précisément à restreindre le financement d'activités terroristes et en octroyant aux organes de contrôle et de renseignement des pouvoirs accrus, les décisions judiciaires relatives au cas Suresh apparaissent fécondes en enseignements divers. En éprouvant la solidité des garanties constitutionnelles du Canada, le cas de Manickavasagam Suresh met également en évidence qu'en matière de financement du terrorisme, le débat se joue sur la scène internationale: tracer la ligne entre ce qui est toléré, illégitime ou légitime ne peut se concevoir en termes simples et clairs. Il faut nécessairement emprunter la voie de la complexité, au risque de ne pas saisir les multiples conséquences sociales et culturelles pour les démocraties (Kinsella, 1992, Freeland, 2002; Pieth, 2002a, 2002b, Kersten, 2002). |
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Contenu |
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Conclusion Ce que des études de cas comme celle de M. Suresh mettent en évidence, c'est la porosité et la vulnérabilité des systèmes démocratiques. Par définition, les sociétés démocratiques sont fondées sur la reconnaissance des droits et des libertés individuelles. Dans les périodes où la sécurité devient une priorité, ces mêmes droits et libertés sont peu à peu rognés. Par ailleurs, lorsque les tribunaux sont interpellés sur ces questions, la nécessité d'affirmer que les droits et libertés s'appliquent pour tous peut donner lieu à l'émergence de situations paradoxales. Pour Bell (2004), le cas Suresh met en évidence le vacuum légal du Canda en matière de levée de fonds destinés à des groupes terroristes. Pour sa part, Hugessen (2002:384) déplore, dans le cas Suresh (Suresh v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) 2002 SCC 2), tous deux des individus soupçonnés d'avoir des liens avec des groupes terroristes, que le juge soit seul à siéger et, que l'autre partie ne soit pas là pour se défendre. En effet, en vertu de la Loi sur l'immigration (Immigration Act, R.S.C. 1985, c.I-2), lorsqu'il est question de terrorisme, on a recours à des audiences qui sont tenues en l'absence d'un des protagononistes (Hugessen, 2004:383). Ces procédures, toutefois, ne sont pas consignées dans la Loi antiterroriste C-36. Ainsi, comme le précise Hugessen (2002), dans les dossiers relatifs au terrorisme, la preuve ne saurait être divulguée à l'accusé. En fait, non seulement les éléments de preuve sont confidentiels et doivent demeurer secrets, mais également l'argumentation qui soutient la décision finale. En raison de circonstances qui tiennent à la nature du dossier envisagé, el public ne pourrait être informé de renseignements aussi sensibles pour les autorités et les organes de contrôle. Enfin, Mendes (2002:260) considère que la Cour a trouvé dans les causes Suresh et Ahani un compromis entre les exigences relatives à la sécurité nationale et l'obligation de reconnaître que les droits et libertés enchâssés dans La Charte (The Canadian Charter of Rights and Freedoms) primait, dans certains cas, en raison des risques de torture pour les personnes, suite à la déportation dans leur pays d'origine. En fin de compte, comme le met en exergue Mendes (2002 : 261), ces décisions serviront de guide aux différentes cours dans l'interprétation des éléments de la Loi C-36. En établissant un précédent judiciaire sur l'importance qu'il convient d'accorder aux principes démocratiques, précisément ceux en vigueur au Canada, le cas Suresh confirme que la sécurité est une notion qui ne peut se déployer en marge du cadre des procédures prévues pour faire respecter les droits et les libertés individuelles. |
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Références non-éléctroniques
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2002-2014, ERTA ![]() |