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  E. Le vol d'une bombe nucléaire complète  
     
 

 

La construction d'une arme nucléaire est un projet complexe qui demande beaucoup de ressources, de temps et d'efforts. Une avenue, techniquement plus simple, est de dérober ou d'acquérir de toute autre façon une arme nucléaire déjà construite par une nation possédant les secrets de la bombe atomique. Bien que les États exercent un contrôle serré de leurs armes, il n'est pas impossible qu'un groupe terroriste parvienne à s'approprier une arme nucléaire prête à être utilisée (Fergusson & Potter, 2004). Deux scénarios sont particulièrement craints par les spécialistes : l'acquisition d'armes nucléaires tactiques provenant de la Russie, qui ne furent pas couvertes dans les traités de contrôles des armes et qui, conséquemment, ne sont pas inventoriés, et la possibilité que des armes circulent hors de tout contrôle dans la région du Pakistan.  

 

La situation de la Russie fait particulièrement l'objet de plusieurs discussions et spéculations. Lors de l'effondrement de l'URSS en 1990, plusieurs armes nucléaires furent laissées sur différents sites militaires hors de la Russie, faiblement sécurisés suite aux tourments politiques des pays nouvellement séparés. Bien que la Russie, depuis, proclame avoir récupéré l'ensemble des armes nucléaires laissé sur les anciens territoires soviétiques, le risque demeure que certaines bombes se soient retrouvées sous un contrôle indépendant. De même, au cours des dernières décennies, un certain nombre de tentatives d'introduction par effraction furent reportées sur les sites d'entreposages d'armes nucléaires. En novembre 2001, par exemple, le ministre de la Défense russe a déclaré qu'il y avait eu deux tentatives de vols sur des sites d'entreposage d'armes nucléaires au courant de l'année (Monblatt, 2007). Les armes tactiques russes sont d'autant plus une source de crainte proéminente puisqu'elles sont portables. La Russie disposerait encore 3000 bombes de ce type. (Monblatt, 2007). De même, le Pakistan est une source de crainte, principalement parce que le pays aurait contribué à la prolifération nucléaire (voir A. Q. Khan ) en aidant, entre autres, la Libye et l'Iran. Pour enchérir, l'instabilité politique de la région inquiète certains observateurs. Si le chaos parvient à s'installer, le contrôle sur les armes nucléaires pourrait s'affaiblir, donnant là une occasion pour un groupe terroriste de s'emparer, par le vol ou l'achat, d'une arme nucléaire. (Monblatt, 2007).

           

1. Comment faire l'acquisition d'une arme nucléaire?

Le groupe terroriste qui cherchera à obtenir une arme nucléaire fonctionnelle se heurtera aux mêmes difficultés qui sont associées à l'acquisition de matériaux fissiles : les armes nucléaires sont relativement rares, sont bien gardées et ne sont aux mains que d'une poignée d'États. Pire, contrairement aux matériaux fissiles, les armes nucléaires sont sous contrôle militaire, rendant l'acquisition beaucoup plus ardue. Néanmoins, tout comme pour les matériaux fissiles, une série de scénarios, où l'acquisition serait possible, sont envisageables (Fergusson & Potter, 2004) :  

•  Le transfert délibéré de l'arme par un gouvernement.

•  L'assistance non autorisée d'un haut placé.

•  Le soutien du personnel chargé d'entreposer et garder les armes nucléaires.

•  L'acquisition de l'arme nucléaire par la force.

•  L'acquisition d'une arme en tirant profit de désordres politiques.

Ces scénarios sont sensiblement identiques aux scénarios relatifs à l'acquisition de matériaux fissiles. L'arme nucléaire et les matériaux fissiles sont tous deux des objets rares et très difficiles à produire. Ils font tous les deux l'objet d'une surveillance étroite par leur propriétaire et le reste de la communauté mondiale et présentent des défis similaires quant à leur acquisition. Bien qu'il existe de légères différences, la plupart des commentaires et explications de la section portant sur l'appropriation de matériaux fissiles s'appliquent autant à l'obtention d'une arme nucléaire intacte.

 

2. Briser les protections

La plupart des armes nucléaires modernes sont équipées de mécanismes de sécurité afin de minimiser les risques que l'objet soit détoné sans autorisation. Les mécanismes de sécurité les plus souvent employés sont les digicodes (serrures électroniques) de type PAL (permissive action link), qui ont pour fonction d'initialiser la bombe, c'est-à-dire de la rendre fonctionnelle, seulement si le code de sécurité est correctement entré. Ce mécanisme est souvent combiné à un dispositif d'essai limité, qui rend totalement inutilisable l'arme atomique si un nombre trop élevé de codes erronés est entré. Il existe également des dispositifs qui préviennent toute explosion à moins que l'engin explosif ne soit soumis à une séquence de lancement légitime, tel qu'une accélération suivit d'une chute libre vers la cible (Ruff, 2006). Les mécanismes de prévention permettent d'empêcher que le groupe terroriste procède immédiatement à la détonation une fois en possession de l'engin nucléaire. Pour contourner ces barrières, le terroriste devra mettre du temps, ce qui laissera une marche de manouvre aux autorités. La plupart des experts s'accordent sur le fait que les dispositifs de sécurité moderne sont à ce point difficile à contourner qu'il serait fort probable que le groupe terroriste démantèle complètement la bombe afin d'obtenir les matériaux fissiles à l'intérieur. Il construirait alors une nouvelle bombe avec les matériaux fissiles de l'arme démantelée (Fergusson & Potter, 2004).

 

F. Le transport et la détonation de l'arme nucléaire

1. Le transport de l'arme nucléaire

Une fois l'arme atomique acquise, le groupe terroriste devra transporter la bombe sur le site ciblé. Le principal obstacle au transport survient lorsque le groupe terroriste et l'arme nucléaire sont situés en dehors du pays ciblé. Dans ces conditions, la situation exige que la bombe passe les frontières de différents pays et expose les transporteurs aux contrôles frontaliers. La détection, à ce niveau, signifierait immédiatement, au grand dam des terroristes, la fin du plan et l'annihilation des nombreux efforts déployés pour arriver à ce point. Dans «Nuclear Terrorism: A Brief Review of Threats and Responses», l'auteur Jonathan Medalia dénombre trois options s'offrant aux groupes terroristes qui chercheraient à faire entrer une arme nucléaire dans un autre pays : le passage légal par les postes frontaliers, le passage illégal par les lignes frontalières non gardées ou l'introduction de la bombe via le transport maritime ou aérien. Chacune de ces options possède ses avantages et ses risques.

1. Les postes frontaliers. Les postes frontaliers représentent des points précis sur la frontière, par lesquelles une personne doit passer afin d'être considérée comme un entrant légal. Il peut sembler, au départ, risqué pour le terroriste de franchir la frontière par les postes de contrôle où sont concentrés la majorité des effectifs du contrôle frontalier d'un pays. Toutefois, il est nécessaire de remettre les faits dans leur contexte. Ces points de contrôle sont les portes d'entrée dans un pays et gèrent, en conséquence, un grand volume de circulation, dont la quasi-totalité n'est pas en infraction. Les contrôleurs frontaliers doivent procéder à la vérification d'un nombre élevé de véhicules, ce qui laisse peu de temps pour tout individu qui ne soulève pas des soupçons (Medalia, 2004).

2. Les lignes frontalières. Au contraire des postes frontaliers, qui sont des points particuliers sur la carte, les lignes frontalières forment des tracés de plusieurs kilomètres où il est possible d'entrer illégalement dans le pays. Montagnes, forêts, rivières, lacs et océans font généralement figure de délimitations naturelles, chacun offrant différentes opportunités. La contrebande via les Grands Lacs , frontière naturelle entre les États-Unis et le Canada, est un bon exemple. Le terroriste qui tente d'entrer par les lignes frontalières évite le risque que soulèvent les postes frontaliers. La plupart des effectifs des contrôles frontaliers sont effectivement situés aux points de contrôles, le reste des effectifs étant répartis inégalement à la surveillance des vastes frontières. Le danger de rencontrer des agents frontaliers aux lignes frontalières est donc fortement variable et bien que la négative est beaucoup plus probable, le groupe terroriste sera hésitant de laisser le fruit de leurs efforts aux mains du hasard. Dans le contexte d'une entrée illégale, les agents frontaliers n'auraient pas à détecter l'arme nucléaire, mais auraient simplement à apercevoir les entrants illégaux, ce qui se traduirait par une arrestation immédiate et l'échec du plan.  

3. Le transport maritime ou aérien. Medalia mentionne également la possibilité que le groupe terroriste exploite le transport maritime ou aérien afin de parvenir à ses fins. Avec toute la sécurité entourant le transport aéronautique, le terroriste s'exposerait à d'énormes risques en choisissant cette avenue. Toutefois, la possibilité ne doit pas être écartée. Il serait possible, en effet, d'introduire une bombe dans un avion et faire en sorte que celle-ci explose en plein vol ou à son arrivée. Il est toutefois plus probable que le transport maritime soit, de ces deux options, l'approche privilégiée. Un scénario potentiel est l'envoi de l'engin destructeur par le biais de cargos maritimes. Chaque année, des millions de conteneurs transigent sur les mers du monde et il est impossible de s'assurer de la légitimité du contenu de chacun d'entre eux. Le groupe terroriste pourrait alors y voir une opportunité pour y introduire l'arme.  

 

2. La détonation de la bombe

Une fois la bombe placée à l'endroit choisi, la dernière étape, la détonation, ne devrait pas poser de problèmes pour les terroristes si l'engin est bien construit. Dépendamment du type de bombe construit et des risques que les terroristes sont prêts à prendre, les transporteurs de la bombe pourraient avoir à sacrifier leurs vies. Une bombe à retardement s'expose, en effet, au risque d'être détectée et désamorcée.

 
     
 
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